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ADEU SABADELL… Billet d’humeur de Jérôme VIALARET

Publié le vendredi, 6 octobre 2017 dans Point de vue

     Sabadell, la Caixa… les banques sont parties les premières. Indépendance ou pas, d’autres suivront. Si savoureux. Si triste, hélas. Mais si symptomatique. Charles Péguy, fils d’une rempailleuse de chaise, disait déjà, avant de se faire faucher par une balle prussienne aux premiers jours de la Grande Guerre : « les patries sont toujours défendues par les gueux, et livrées par les riches ». Les vérités sont éternelles. Celle qui prévalait autrefois, quand les capitaux Krupp se réfugiaient hors d’Allemagne qu’elle avait surarmée, vaut encore aujourd’hui. Ce sont les les peuples qui se battent. Ce sont ses fils qui meurent. Ce sont sont ses filles qui accouchent, pour alimenter les fronts à venir. L’Histoire se nourrit de leur chair. L’Histoire a l’odeur de leur sang.

Les capitaux, eux, n’ont pas d’odeur.

Alors Sabadell déménage. Et la Caixa s’en va ailleurs. Pensez… De grosses – d’énormes- banques d’affaires, faire corps avec le peuple dont elle ne connaissent rien, dont elles n’utilisent la langue, comme enseigne publicitaire, que pour grossir le nombre de leurs clients et feindre, vis-à-vis d’eux, une fraternité hypocrite, mais duquel elles assistent aujourd’hui, stupéfaites, à la révolte furieuse et pacifique, au refus immémorial de subir, une fois encore, le knout immémorial… Que voulez-vous qu’elles fassent ? Ce que font les banques depuis toujours : fuir, se cacher, se protéger… Au détriment de tout. Au détriment de tous. Si ce n’est de ses actionnaires. Au mépris de toute cause. Si ce n’est de la sienne.

Se réfugier où tout est calme. Où rien ne perturbe, jamais, la marche oppressante et douce, si douce, si écrasante pourtant, des affaires financières du monde. A l’instar des vallées helvétiques.

Que l’argent produise de l’argent, voilà ce qui est bon. Que l’actionnaire puisse rajouter des mètres carrés à sa piscine, voilà ce qui est beau. Une cinémathèque à sa demeure, voilà ce qui est noble. Que le paysan méprisé puisse relever la tête, dire, pour la première fois depuis tant et tant de siècles : « Me voici enfin chez moi », voilà, en revanche, ce dont elles se fichent éperdument.

    Bien au contraire. Voilà ce dont elles ne veulent à aucun prix. L’ouvrier catalan libéré du joug espagnol pourrait se croire libre. Horreur… Consternation ! Car, voyez-vous, si la liberté ne se nourrit que d’elle-même, elle s’en nourrit nécessairement. Se sentir libre, c’est, sinon aspirer à une liberté plus grande, sentir, savoir DEJA la liberté possible. Et, comme le Créateur au soir du premier jour, savoir que cela est bon. Alors un jour, pourquoi non ?, se vouloir libre des aspirations matérielles, des jougs financiers dont les banques passent leur temps à nous faire croire qu’ils nous sont essentiels, savoir, comme Thoreau et bien d’autres nous l’ont maintes fois susurré, qu’il suffirait, et suffirait seulement, qu’on leur dise non pour qu’ils disparaissent à jamais. Ce jour-là, ce jour miraculeux, ce jour pourtant si proche, opposer notre opposition simple, humble et irréductible à leur pression sur nous, ce serait, déjà, nous libérer d’eux. Et pour toujours.

Et alors pouvoir dire : laissez-nous décider, car, quand bien même auriez-vous raison dans votre sphère, nous ne vous écouterons pas, nous ne vous écouterons plus. Car dans la nôtre, si petite, si dénuée d’intérêt, mais si libre et épanouissante, puisque  justement elle ne vous appartient pas, et ne vous appartiendra jamais, nous acceptons, enfin, de nous regarder nous-mêmes avec bienveillance et pardon. Et que nous nous disons, une fois pour toutes : « puisque nous valons ce qu’ils sont et plus encore, que nos vœux, tout d’amour, tout de souvenir et de mémoire, priment les leurs, tout d’argent, d’éradication et de mépris ».

Alors partez. Partez à Alicante où là où il va plaira d’aller. Et laissez-nous peut-être, et laissez-nous sans doute, plus pauvres qu’autrefois. Mais riches d’une liberté qui fut notre grand orgueil d’alors, notre grand désir de toujours. Et qui sera, lorsque vous reviendrez, parce que vous reviendrez, l’empreinte de notre orgueil futur.  

Le 6 octobre 2016

Jérôme VIALARET

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