Après la tuerie de Nice, quelques réactions . . .
Publié le mardi, 19 juillet 2016 dans Libertés, No Pasaran !
Guy, avec qui beaucoup d’entre nous avons longtemps milité au sein des Alternatifs, nous parle de Camille, sa petite cousine, assassinée avec 83 autres personnes jeudi soir à NICE. A l’horreur de la perte de cette jeune personne vient s’ajouter celle des propos entendus de toutes parts.
Camille
Bonjour,
J’ai hésité avant d’écrire ce petit mot. Ce sont les horreurs entendues à la mi-journée qui m’ont convaincu
Certains le savent, Camille est morte sur le coup jeudi soir. Comme d’autres victimes, son corps n’a été officiellement identifié qu’hier soir.
Camille était une jeune femme de 24 ans, pleine de vie. Fille d’un de mes cousins, petite-fille de ma marraine, elle même soeur de ma maman, elle faisait partie du cercle familial
Inutile de préciser que ses parents, sa grand-mère, son frère sont dans le désarroi le plus total. Les frères et soeurs, cousins et cousines, belles soeurs et beaux frères formaient une grande famille qui se retrouvait souvent, notamment l’été à St Etienne de Tinée.
Camille ne nous y rejoindra plus.
84 femmes, hommes et enfants ont perdu la vie. Des dizaines de familles ont été frappées au coeur.
Et aujourd’hui à midi, à Nice, lors d’une manifestation qui s’annonçait comme un moment de recueillement, des participant.e.s téléguidé.e.s par Estrosi et le Front National ont hué et sifflé Valls et les membres présents du gouvernement. Veulent-ils, comme Henri Guaino, équiper les forces de l’ordre de lance-roquettes ?
Des slogans anti-arabes et islamophobes ont été lancés et différentes manifestations d’hostilité envers les musulman.e.s ont eu lieu depuis 48h (source France-Culture)
J’ai le sentiment que Camille est morte deux fois, victime de la folie théocratique qui veut abolir l’humanité et du vent mauvais qui souffle en Europe et particulièrement dans notre région.
Merci pour vos témoignages de sympathie et de solidarité..
Nous devons être fier.e.s de nos engagements en faveur d’une humanité émancipée.
Avec mes amitiés
Guy 18 juillet 2016
Le témoignage d’Anne Marie, qui vit quelque part dans les Alpes Maritimes (une cinquantaine de kms de Nice), nous dit combien le chemin est et sera dur . . .
C’est un message de dignité de Guy.
Nous avons fait notre minute de silence au siège de la communauté de communes, avec une introduction très chaleureuse, immédiatement suivie par des discussions animées. Une trentaine de personnes.
C’est assez terrible d’entendre la violence et le contenu des réactions.
Et difficile de faire entendre une voix un peu raisonnable, un peu apaisée.
Le « vivre ensemble » leur paraît une provocation.
L’extrême droite a de beaux jours devant elle, et nous, des temps difficiles !
Amicalement, Anne-Marie
PS : le beau texte publié par l’Institut d’Études Occitanes (bilingue) :
Niça si plora
Nice pleure
Cars amics, cars sòcis,
Vos presentam çai-sota un tèxte dau nòstre president que reven sus lo chaple de Niça.
Lo tèxte es bilingüe coma lo fèm sempre en la nòstra crònica de Ribon-Ribanha dins un esprit de dubertura a l’autre. En bas d’article troveretz tanben una traduccion en italian.
Niça si plora.
Avèm emparat l’informacion dau nòstre enfant que nen sonèt de l’autra man de França, de nuech, per aver de nòvas… De l’ostalada degun l’i èra mas de segur de monde que conoissèm son tocats, Niça es un vilatge…
Que faire, quora d’unu an minga respèct de la vida, an laissat tota umanitat…
N’i a que parlan de bandieras. Non siáu ieu que anerai metre quauqua sigue bandiera.
Capissi ben la demanda de si faire veire en cada luec, de si metre en avant.
Aquelu qu’an besonh de bandieras, li laissi. Aquelu caps de carta pista que son lu premiers a si metre sus la fòto ò a escriure de comunicats, li laissi la plaça.
Cau ben veire que d’accions coma aquesta de dijòus son menadi ren contra una persona, una ciutat, un país…. Es l’umanitat entiera qu’es dins la mira.
Pòrti lo dòu de la joveneta que, gaire de temps fa, a l’escòla, portava de projècts per la sieu vida e que m’emparan ancuei que fuguèt sagatada …
Pòrti lo dòu au dedins dau mieu còr e lo partissi mé l’enfant lo mendre que deu créisser m’aquelu imatges de violença que non sabèm encara li espranhar, que sigue aquí au nòstre ò dins quauque país que sigue dau nòstre jardinet de la tant bèla tèrra, pura.
De que sierve d’assaupre se li victimas son niçardi ò forestieri ? Una vida a mai de pes qu’una autra ? Venon toti dau pòble dei òmes, segadi d’azard, e li planhèm.
Aimi mai que si pòrge un brot d’olivier que mila bandieras, que son, soventi fes, arboradi per devidre lo monde.
Cen que capissi encara mai ben la noblessa dau respèct per cada persona. Cadun a la sieu mòda a besonh d’exprimir la pena prefonda. Lo Royer dins la sieu cronica canta Ò la mieu paura Niça, regina de li plors… Lo Gilli tornèt legir lo tèxte de Françon Dalbera e estampèt Plora, Niça, esto sera… per lo pegar sus la pòrta de l’imuble. Mi venon li paraulas de Mistral O Santi Maria / Que poudes en flour / Chanja nòsti plour / Clinas lèu l’auriho / De-vers ma dolour…
La nòstra associacion, coma tant d’autri, saluda la memòria dei victimas innocenti de la barbaria e partisse la dolor dei familhas que ploran la sieu parentèla, lu sieus enfants venguts faire fèsta de la nòstra República francea sus la Prom’.
Lo ciel flamejava de colors. L’escurantisme un còup mai jitèt un vel negre sus lo pòble.
Siam de còr embé aquelu que son estats macats ò còr macat.
Avèm besonh sobretot de paraulas apaisanti – se’n trovan de tant bèli dins mantuni lengas -, coma li sabon dire lu còrs aimants e li rasons rasonanti, avèm besonh de si recampar per portar mai aut li valors nòstri : amor, paratge, convivença.
Que faire ? Per nautres, si devèm d’anar de l’avant, sensa fin, mostrar lo nòstre bonur de viure ensems, partir li nòstri diferenças, faire conóisser li riquessas de la nòstra lenga e de la nòstra curtura, laurar la nòstra amistat, descurbir d’orizonts novèus, viure lu nòstres projècts mé gaug, semenar de granas d’amor, recampar li gents, educar a la tolerença e a la fraternitat…
Catarina e Marianna si donan la man e siam dapé d’eli per faire viure la democracia.
Siáu Niça. Siam Niça. Siam un monde generós e frairau… Donem-nos la man.
Joan-Pèire Spies
President de l’IEO-06
Nous avons appris l’information par notre fils qui nous a appelés de l’autre bout de la France, en pleine nuit, pour avoir des nouvelles…
De notre famille personne n’y était mais bien sûr nous connaissons des gens qui sont concernés directement, Nice est un village…
Que faire, quand des individus n’ont aucun respect de la vie, quand ils ont abandonné toute humanité…
Il y en a qui parlent de drapeaux.
Ce n’est pas moi qui irai mettre quelque drapeau que ce soit.
Je comprends bien la demande de se montrer partout, de se mettre en avant.
Ceux qui ont besoin de drapeaux, je les leur laisse. Ces petits chefs de carnaval qui sont les premiers à se mettre sur la photo ou à écrire des communiqués, je leur laisse la place.
Il faut bien se rendre compte que des actions comme celle de jeudi ne sont pas faites contre une personne, une ville, un pays…. C’est l’humanité toute entière qui est visée.
Je porte le deuil d’une adolescente qui, il y a peu, à l’école, faisait des projets pour sa vie et dont j’apprends aujourd’hui qu’elle a été assassinée…
Je porte le deuil au fond de mon cœur et je le partage avec le moindre des enfants qui devra grandir avec ces images de violence que nous ne savons pas encore lui épargner, qu’il se trouve ici chez nous ou dans quelque pays que ce soit du jardin de notre terre qui pourrait être si belle, pourtant.
A quoi nous sert de savoir si les victimes sont niçoises ou viennent d’ailleurs ? Une vie a plus de poids qu’une autre ? Elles sont toutes du peuple des hommes, fauchées au hasard, et nous les pleurons.
Je préfère qu’il leur soit porté un brin d’olivier que mille drapeaux, qui sont, souvent, brandis pour diviser les gens.
Ce que je comprends encore mieux, c’est la noblesse du respect dû à chaque personne. Chacun à sa manière a besoin d’exprimer sa peine profonde. Royer dans sa chronique chante Oh ma pauvre Nice, reine des pleurs… Gilli a relu le texte de Françon Dalbera et a imprimé Pleure, Nice, ce soir… pour le mettre sur la porte de son immeuble. Me viennent les vers de Mistral Oh Saintes Maries / Qui pouvez en fleurs / Changer nos pleurs / Penchez vite l’oreille / Vers ma douleur…
Notre association, parmi tant d’autres voix, salue la mémoire des victimes innocentes de la barbarie et partage la douleur des familles qui pleurent leurs proches, leurs enfants venus célébrer la fête de notre République française sur la Prom’.
Le ciel était flamboyant de couleurs. L’obscurantisme une nouvelle fois a jeté un voile noir sur le peuple.
Nous sommes de tout cœur auprès de ceux qui ont été meurtris dans leur chair ou dans leur cœur.
Nous avons besoin surtout de mots apaisants -il en existe de si beaux dans toutes les langues-, comme savent en dire les cœurs aimants et les esprits raisonnants, nous avons besoin de nous rassembler pour porter plus haut les valeurs qui nous sont chères : amour, noblesse de cœur, vivre ensemble.
Que faire ? Pour nous, il faut continuer, sans cesse, à montrer notre bonheur de vivre ensemble, à partager nos différences, à faire connaître les richesses de notre langue et de notre culture, à cultiver notre amitié, à découvrir des horizons nouveaux, à construire joyeusement nos projets, à semer des graines d’amour, à rassembler les gens, à éduquer à la tolérance et à la fraternité…
Catherine et Marianne se donnent la main et nous sommes auprès d’elles pour faire vivre la démocratie.
Je suis Nice. Nous sommes Nice. Nous sommes un monde généreux et fraternel… Donnons-nous la main.
Jean-Pierre Spies
président de l’IEO-06
Collectif anti-guerre : une proposition de communiqué
Halte à la guerre, Halte à l’état de guerre
Les charognards se lâchent!
Alors que tout indique que le carnage est l’acte d’un individu en état de démence. Que les vies détruites par sa démence valent toutes les vies.
Alors que l’on sait, maintenant, que le même individu, de nationalité tunisienne, a fini par trouver un véritable exutoire à sa démence dans les appels de DAESH à exécuter par n’importe quel moyen des attentats dans les pays impliqués dans la coalition internationale qui bombardent quotidiennement en Syrie ou en Irak et provoquent les mêmes carnages que ceux de Nice, de Paris ou de Bruxelles.
Alors que l’on sait que dans son discours à la nation, le président Hollande, en pleine possession de tous ses moyens, a déroulé la feuille de route pour les prochains carnages annoncés à Mossoul avec l’appareillage, outre d’un porte avions, de tout l’attirail militaire dont dispose le troisième marchand de canons au monde, qu’est la France.
Alors que cet acte sans nom, qu’aucune « politique sécuritaire » (et la ville d’Estrosi avec ses dizaines milliers de caméras et sa police municipale armée fut dans l’incapacité de prévenir sa réalisation) ne peut « prévoir », ni contrecarrer; parce que personne ne peut empêcher un dément de se faire exploser au milieu d’une foule; les charognards du monde des médias, ou du monde des bateleurs d’estrades que l’on nomme à tord « politique » reprennent en coeur la même litanie du « tout sécuritaire ».
Les même bateleurs d’estrades et leur chiens de garde n’en finissent pas d’agiter, en véritable pousse au crime, de nouvelles propositions en matière de fichage extrême, de centres de rétention pour les fiches « S », de centres de « déradicalisation », d’expulsions de masses et la stigmatisation de « musulmans » qui servent de paillassons, sur le dos desquels tout ce que ce pays compte de crétins, se croit permis de s’essuyer les pieds.
Gageons que ce sont les stratèges de Daesh qui se frottent les mains en étant sûr d’une chose: la « pompe à haine » continuera à leur faire gagner de nouvelles allégeances parmi les « fous de dieu » et les « fous » tout court.
Aucune voix, si ce n’est dans les milieux qui s’opposent depuis plusieurs mois à l’ « état de guerre » intérieur: Loi d’urgence (prorogée pour encore quelques mois); Loi Travail imposée par la guillotine du 49/3 etc; ne s’est élevée pour dénoncer les nouvelles rodomontades d’un exécutif aux abois, à quelques mois de l’échéance présidentielle.
Oui il y a urgence, celle d’arrêter les carnages annoncés et qui viendront endeuiller, après ceux exécutés après les attentats de Paris, non des dizaines de familles, mais des milliers, voir des dizaines de milliers de familles.
Et là, ce sont des bombes françaises, européennes, russes ou américaines larguées par des état-majors militaires exécutant des ordres émanant des exécutifs euro/russo/américains.
Les familles elles sont irakiennes, syriennes, kurdes de toutes confessions, et payent depuis des années le prix fort de la démence des dirigeants des puissances qui nous gouvernent.
Halte à la guerre, Halte à l’état de guerre.
AFPS : Après la tuerie de Nice, il faut s’opposer à la récupération indécente par Israël et ses soutiens
http://www.france-palestine.org/Apres-la-tuerie-de-Nice-il-faut-s-opposer-a-la-recuperation-indecente-par
Le choc de l’attentat de Nice suscite des réactions extrêmement inquiétantes parmi les responsables politiques et singulièrement chez certains élus des Alpes-Maritimes.
Venant d’habituels supporters inconditionnels de la politique israélienne, nous ne sommes pas surpris de les voir jour après jour montrer en modèle l’exemple israélien en matière de lutte contre le terrorisme, la France ayant comme le dit savamment l’un d’eux « les mêmes ennemis (sic) ». Ces propos sonnent comme une insulte aux victimes et à leurs familles qui méritent autre chose que ce genre de business sur leur dos.
Pour tel « penseur » de haut vol qui se lâche dans « Le Figaro », il faut « restreindre le spectre des libertés fondamentales », « passer au niveau supérieur dans la répression et s’inspirer de l’exemple d’Israël confronté à cette situation depuis 40 ans ».
Non, nous ne sommes pas confrontés à la même situation : ce n’est pas à l’organisation de « l’État Islamique » que l’État d’Israël est confronté, mais à un peuple, le peuple palestinien, dont il continue à confisquer la terre, qu’il occupe, colonise, assiège, et plonge dans la misère et la révolte.
Et non, nous ne voulons en aucun cas être prendre modèle sur l’État d’Israël : jamais dans l’histoire le pouvoir israélien, dont toutes les références morales ont disparu au profit de l’occupation et de la colonisation de la Palestine, ne s’est autant attaqué aux libertés de ses propres citoyens, au point qu’un ancien Premier ministre déclare y déceler des « germes de fascisme ».
Non, nous ne devons pas nous inspirer de l’ »exemple israélien », mais au contraire cesser toute coopération militaire et sécuritaire avec l’État d’Israël tant que ce pays viole le droit international. Pour éviter de voir à nouveau les familles de Gaza massacrées par des missiles israéliens utilisant des composants français, comme vient de le mettre en évidence la plainte d’une famille de Gaza soutenue par l’ACAT (association des chrétiens pour l’abolition de la torture).
Et parce que le combat pour la sécurité ne peut pas être séparé du combat pour le droit.
Le Bureau national
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Association France Palestine Solidarité (AFPS)
21 ter Rue Voltaire 75011 Paris
Tél. : 01 43 72 15 79
Fax. : 09 56 03 15 79
Suivez l’AFPS sur www.france-palestine.org, Facebook et Twitter
Paris, Bruxelles, Nice, mais aussi Beyrouth, Bagdad, Istanbul, Orlando et tant d’autres…
L’Association Européenne pour la défense des Droits de l’Homme condamne ce qui ne peut être considéré que comme un crime horrible. L’AEDH s’incline devant les victimes et assure leurs proches de sa solidarité. Les actes violents à l’encontre d’autres êtres humains restent injustifiables, où qu’ils soient, quels qu’ils soient. Mais ils pourraient avoir un but : diviser et séparer, instaurer la peur et faire croire qu’une communauté de destins et de vie ne peut se construire que dans le rejet, la guerre et la mort des autres. En la matière, alors que la base territoriale revendiquée des commanditaires semble en passe d’être liquidée, le danger persiste : acculé à la défensive, Daesh développe de nouvelles méthodes faites d’armes par destination mues par des auteurs difficilement identifiables.
L’AEDH dénonce dès lors le maintien d’un discours qui fait croire à l’assurance illusoire de la sécurité au prix des libertés et des droits. Mensonge, surenchère et danger : telles en sont les caractéristiques. Car la démonstration est faite que l’affaiblissement des droits civiques et des libertés publiques n’est pas une solution, et ne fait que favoriser la naissance de ces actes horribles. Car la surenchère et la présentation de fausses solutions face aux peurs de la population sont le fonds de commerce habituel de ces politiques qui utilisent ces mêmes peurs pour leur (re)conquête du pouvoir. Car le danger est de faire croire aux uns et aux autres que l’avenir est dans la séparation entre les groupes au nom d’une origine assignée et d’une religion imposée.
L’AEDH exprime tout son soutien à son organisation membre en France. Elle considère comme valables pour tous en Europe et dans le monde les phrases du communiqué de presse de la LDH : « Face à la violence et à la stratégie de la tension auxquelles nous sommes confrontés, elle appelle à résister à la tentation d’y répondre par une restriction de la vie démocratique et des libertés publiques. C’est bien la capacité de mobilisation de la société civile s’appuyant sur les principes de droits et de libertés qui constitue la meilleure garantie pour préserver les fondements de notre choix collectif de société », qui ne peut être que fondée sur la dignité humaine, la liberté, l’égalité, et la fraternité entre les peuples.
Bruxelles, le 18 juillet 2016
Ni islam, ni folie, la terreur est politique
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18 juillet 2016
Ivo Rens | 18 juillet 2016
La Quadrature du Net
https://www.laquadrature.net/fr/encore-une-fois
Paris, 18 juillet 2016 — La Quadrature du Net publie ici une tribune de Philippe Aigrain, co-fondateur et président de La Quadrature du Net.
Encore une fois. Mais encore quoi ? On ne sait même pas. Encore des dizaines de morts, des blessés en plus grand nombre. Encore un être humain1 qui les a emportés dans sa trajectoire de violence et d’autodestruction et qu’on présente comme soldat d’une cause dont on ne sait même pas si et quand il l’aurait découverte.
Mais aussi encore une occasion de plus pour des politiciens de se livrer à une compétition obscène dans la destruction des valeurs qu’ils osent affirmer défendre. La commission d’enquête parlementaire sur les attentats de janvier et novembre 2015 vient de conclure à l’inutilité de l’application de l’état d’urgence pour lutter contre la répétition des attentats, le président de la République vient d’annoncer sa suppression et voilà qu’on le remet, qu’on remobilise une dizaine de milliers de soldats à soi-disant rassurer, c’est-à-dire à instituer l’état de peur permanente. Et les candidats à occuper les mêmes postes en remettent une couche en ressortant l’internement préventif des fichés S à l’occasion de l’acte de quelqu’un qui ne l’était pas. Et le mot « guerre » dix fois par minute, dans toutes les bouches. La double invocation d’un ennemi extérieur qui n’existe que des désastres antérieurs de nos politiques et d’un ennemi intérieur encore inexistant mais qu’on finira bien par arriver à créer en suivant les leçons de nos amis américains. Bref, un gigantesque concours à réaliser précisément ce que souhaitent les stratèges qui revendiquent ces attaques : rendre notre propre univers invivable pour qu’il ressemble à la caricature qu’ils en font.
Alors que peut dire une organisation comme La Quadrature du Net qui se consacre tout entière à promouvoir ce qui pourrait faire sens dans le monde à venir ?
Un monde qui pourrait ressembler à celui qui existe déjà dans les pratiques de tant de gens de toutes origines mais qu’on semble avoir comme seul souci de nier.
Un monde où l’on produit des communs et du commun. Où l’on considère que les trajectoires du devenir sont ouvertes pourvu qu’on pose les bonnes questions, qu’il s’agisse des technologies ou des modes de production et de consommation, des capacités et de l’expression de chacun et de ce à quoi on accorde valeur.
Nous pouvons juste dire ce que nous avons déjà dit : ce qu’il reste de dignité dans les parlementaires se comptera au nombre de ceux qui voteront contre la prolongation de l’état d’urgence. Ce qu’il reste de raison et de justice dans notre société se comptera au nombre de ceux qui refuseront de faire exister la guerre pour pouvoir dire ensuite qu’on n’a plus que le choix de la faire.
Et nous allons continuer à labourer le sol des possibles pendant que c’est l’idée même du politique que certains enterrent.
Philippe Aigrain, 18 juillet 2016
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1. Oui, il vaut mieux regarder en face le fait que ce sont des êtres humains qui commettent ces massacres.
Eric CANTONA attaque SARKOZY, HOLLANDE, Marine LE PEN
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