Tribune libre : « Merci les fauxcialistes ! » Patrick MIGNARD
Tribune libre Michel COSTADAU.Opinion 10 : Finances
Oui je sais, normalement il faudrait faire le texte sur la religion. Mais, d’une part, j’ai compté que dans le texte sur l’État voyou d’Israël il y avait 35 fois le mot religion, ce qui veut dire qu’on en a déjà un peu parlé, et, d’autre part, il y a moins d’actualité sur ce sujet que sur d’autres plus chauds. Les sujets chauds c’est la Grèce, le réchauffement climatique, l’État Islamique ou l’Ukraine par exemple. Mais au-dessus de tout ça, ou en dessous, si on veut parler de dénominateur commun, il y a le renversement dans l’ordre des pouvoirs qu’a réussi la finance il y a quelques années et dont nous voyons les effets dans les sujets évoqués plus haut. Je voudrais dire finance internationale ou finance mondiale, mais justement ce ne sont que des pléonasmes, car il y a « la » finance c’est tout et elle va bien, merci.
La finance est devenue la puissance mondiale n°1, ça veut dire que tous les autres détenteurs de pouvoir, par exemple les politiques, les religieux ou les intellectuels ne sont plus maîtres de leur jeu, sauf peut-être les mafias et quelques organisations parallèles.
Onze points mélancoliques sur le devenir de la situation grecque, par Alain Badiou
1 On avait cru comprendre que Syriza, vainqueur des élections en Grèce, avait pour mot d’ordre un vigoureux «non» à l’austérité ; qu’il allait donc refuser catégoriquement toutes les conditions antisociales, régressives, portant atteinte aux principes les plus élémentaires de l’aspiration à l’égalité et à une vie populaire acceptable, dont les autorités financières diverses et leur couverture européenne faisaient la condition de leurs prêts. Beaucoup se réjouissaient alors de la possibilité qu’émerge, en Europe, une orientation politique enfin absolument différente du consensus réactionnaire dans lequel tous les Etats, depuis trente ans, maintiennent leurs opinions publiques, de gré ou de force.
2 Bien entendu, on pouvait déjà trouver bien des arguments pour modérer cette espérance. Ne serait-ce que ce mot très malheureux, «austérité», qui laissait entendre qu’on pourrait avoir son contraire (qui est quoi ? le «bien-être» ?) sans changer grand-chose. Alors que tout semblait indiquer que les adversaires, les gens au pouvoir et leurs commanditaires de l’économie sauvage mondialisée, n’avaient pas la moindre intention de changer quoi que ce soit, et entendaient même consolider et aggraver la tendance dominante dont ils sont les gestionnaires et les profiteurs. On remarquait aussi le péril que représentait l’acceptation, pour parvenir au pouvoir, de règles immuables : élections, majorités incertaines, peu de contrôle sur l’appareil d’Etat, encore moins sur les puissances financières, tentation organisée du compromis corrupteur, bref, une marge de manœuvre très étroite. Et enfin on voyait que Syriza n’entretenait pas vraiment, avec la masse des gens, des liens politiques étroits et organisés : son succès était un succès d’opinion, versatile par définition, et surtout incontrôlé, sans garantie contre l’assaut, interne comme externe, des opportunismes pour lesquels parvenir au pouvoir et y rester est la seule règle. Pour toutes ces raisons, j’appartenais au camp des sceptiques.
GRECE, EUROPE, ÉMANCIPATION : LE DÉBAT CONTINUE…
Publié le lundi 17 août 2015,
Des questions, quelques réponses. (contribution individuelle)
1. Euro ou pas euro ?
Si on considère cette question comme concernant seulement l’outil monétaire au sens restreint on n’aperçoit qu’une partie du problème. La question ne devient claire que si on l’élargit à l’ensemble de la structure dont l’euro est un rouage. La structure, c’est celle de la zone euro dans sa globalité (traités, institutions, monnaie, rapports de force historiques, ou conjoncturels) et c’est le bon niveau pour tenter de répondre à la question. Certes les politiques libérales et pro capitalistes peuvent être (et sont) conduites hors de cette structure, même en Europe, à l’exemple de la Grande Bretagne. Ce n’est donc pas la structure qui les produit. Mais si, par hypothèse, un gouvernement anticapitaliste, ou même juste social démocrate à l’ancienne, voyait le jour en Grande Bretagne, il y aurait toute une plage de mesures possibles antilibérales avant de se heurter au cœur du capitalisme, ou même aux traités signés à l’échelle de l’UE ou de l’OMC. La globalisation a réduit ces marges par rapport, par exemple, aux débuts de la présidence Mitterrand.
En défense de l’OXI grec pour une Europe des droits sociaux et démocratiques, par Catherine Samary
Contre la consolidation néo-coloniale de l’eurogroupe
Quelles leçons tirer, dans les pays membres de l’Union Européenne(UE) et au-delà, de ce qu’il faut bien appeler et dénoncer comme une “occupation financière de la Grèce” [i] ? Comme l’affirme avec force Stathis Kouvélakis, l’OXI, ce magnifique “non” du référendum grec, “n’est pas vaincu”. Mais la stratégie de la direction de Syriza – ne pas se confronter à l’UE en espérant un compromis “positif” pour tout le monde – est un échec. Ce n’est rien face au découragement que produirait une “mutation mémorandaire” de Syriza – encore non fatale et enjeu des semaines et mois à venir. Sur ce plan, la vraie question n’est pas le Grexit ou pas, mais le pouvoir (avec ou sans l’euro), avec qui, pour quoi faire ?
Les réflexions qui suivent s’inscrivent dans la logique des positions synthétiquement exprimées par le titre-même de l’ouvrage collectif Attac/Copernic :“Que Faire de l’Europe : désobéïr pour reconstuire” : elles considérent qu’une lutte dans/contre l’UE est possible et nécessaire en assumant la nécessité d’en passer par des ruptures et crises. La crise grecque change-t-elle ce jugement ? Comment préparer les ruptures ?
Les évènements en cours en Grèce imposent un recul et élargissement du débat – en même temps que des urgences solidaires. Il faut désigner et dénoncer les mécanismes néo-coloniaux à l’oeuvre, mais ne pas les entériner comme fatals, encore moins s’aligner sur les projets menaçants d’une consolidation du “noyau historique” de la CEE s’attribuant les pleins pouvoirs contre toutes ses périphéries dépossédées de droits. Mais où sont les périphéries dans le capitalisme mondialisé et son vieux cœur européen en crise ? .
Grèce. Réflexions après la défaite, par Alexis Cukier
L’affrontement inévitable, par Pierre KHALFA.
1. Le premier concerne le champ stratégique européen. La Grèce a eu à affronter la coalition de tous les États européens et des institutions européennes. En face, les mouvements de soutien au peuple grec sont restés limités et n’ont pas permis de peser sur le cours des choses. Cette situation renvoie à un échec historique, celui de la construction d’un mouvement social européen capable d’agir comme force unifiée face aux institutions européennes.
La disparition du Forum social européen, la faiblesse du processus qui l’a remplacé (l’Altersummit), la carence totale de ce géant aux pieds d’argile qu’est de la Confédération européenne des syndicats ont empêché l’émergence d’un contre-pouvoir à l’échelle européenne alors même que les politiques se décident essentiellement à ce niveau. Face à cet échec, la tentation est grande d’abandonner le terrain européen. L’exemple de la Grèce vient de nous rappeler qu’une rupture au niveau national peut être étouffée en l’absence d’appui dans d’autres pays. La construction d’un mouvement social européen capable de faire contrepoids aux institutions européennes est décisive pour rééquilibrer les rapports de forces en Europe, même si d’expérience nous savons que cela ne sera pas facile.
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Grèce : Alexis Tsipras s’explique : « Le peuple grec a tenté de s’échapper de la prison de l’austérité. Rattrapé, il a été placé à l’isolement «
Afin de bien comprendre les débats qui agitent Syriza en ce moment et qui intéressent toute la gauche radicale, nous publions cet interview d’Alexis Tsipras. Le 29 juillet, le Premier ministre grec s’exprimait longuement à l’antenne de Sto Kokkino. L’entretien, conduit par Kostas Arvanitis, le directeur de cette radio proche de Syriza, offre un éclairage inédit sur cinq mois d’une négociation aux allures de guerre d’usure avec les créanciers d’Athènes et les « partenaires » européens. Avec l’autorisation de nos confrères, nous en publions ici la retranscription intégrale.
Parlons de ces six mois de négociations. Quel bilan en tirez-vous ?
Alexis Tsipras. Il faudra en tirer les conclusions de façon objective, sans s’avilir ni s’auto-flageller car ce fut un semestre de grandes tensions et de fortes émotions. Nous avons vu remonter en surface des sentiments de joie, de fierté, de dynamisme, de détermination et de tristesse, tous les sentiments. Je crois qu’au bout du compte si nous essayons de regarder objectivement ce parcours, nous ne pouvons qu’être fiers, parce que nous avons mené ce combat. Et parce que les combats perdus d’avance ne sont que ceux que l’on ne livre pas. Nous avons tenté, dans des conditions défavorables, avec un rapport de force difficile en Europe et dans le monde, de faire valoir la raison d’un peuple et la possibilité d’une voie alternative. Au bout du compte, même si ces rapports de forces étaient déséquilibrés, même si les puissants ont imposé leur volonté, ce qui reste c’est l’absolue confirmation, au niveau international, de l’impasse qu’est l’austérité. Cette évolution façonne un tout nouveau paysage en Europe. L’Europe n’est pas la même après le 12 juillet. Quand Jürgen Habermas lui-même affirme que l’Allemagne a détruit une stratégie de cinquante ans, une stratégie de l’imposition par la persuasion et non par la force, je pense que ce sont des mots qu’il nous faut écouter.
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Échelle du monde, crise de civilisation, peuple et luttes. Philippe ZARIFIAN
Voici ci-dessous, un texte que j’ai écrit en 2005 et qui me semble rester d’actualité.
Philippe ZARIFIAN
Échelle du monde, crise de civilisation, peuple et luttes.
1. Crise de civilisation ?
Nous avons l’impression – mais nous sommes loin de pouvoir entièrement le rationaliser – que nous vivons une crise d’une profondeur considérable. Nous risquons bien davantage de la sous-estimer que de la surestimer. Quelque chose meurt, dans la trajectoire de la civilisation occidentale, elle-même devenue beaucoup trop influente pour ne pas entraîner dans son sillage les autres espaces civilisationnels.
Meurt d’abord, mais selon d’incessants soubresauts, à la manière d’un dragon blessé, tout le systémisme économique, toute l’énorme machinerie fonctionnelle que le capitalisme, comme rapport social, a engendré. Ce que Deleuze qualifiait d’axiomatique, régulant des flux sans codes et sans territoires, est aussi un vaste mécanisme fonctionnalisant la vie humaine, lui assignant place, rôle, résultats, finalités, et rejetant tout ce qui n’est pas fonctionnellement utile dans une période donnée.
Marx a visé juste en parlant des capitalistes comme des « fonctionnaires » du capital, ou encore en les désignant comme « porteurs » du capital. Le systémisme n’aura pas été un choix théorique, mais une analyse lucide de la « mise en système » d’un fonctionnement qui ne répond à aucune volonté spécifique, qui s’auto-entretient avec une formidable efficacité, un vaste automate auquel jamais personne, dans les phases antérieures de notre civilisation, n’aurait pu penser.
Certes, il aura fallu que certaines passions correspondantes se développent et prennent de l’ampleur socialement : le culte protestant du travail, l’appât du gain, voire la morale utilitariste.
Mais elles n’ont jamais été centrales.