État d’urgence ? Principes et réalités de 1955 à nos jours, par Paul Alliés
Une des premières et principales annonces gouvernementales après les attentats de vendredi concerne l’instauration de l’Etat d’urgence. Une mesure peu ou mal commentée. Quelle est sa nature, sa portée ? Est-elle adaptée à la situation ?
L’État d’urgence a été conçu et défini par une loi du 3 avril 1955 portée par le gouvernement Edgar Faure (qui venait de succéder à Pierre Mendes-France) pour renforcer la guerre en Algérie sans pour autant abandonner les pouvoirs aux militaires (ce que fera Guy Mollet un an plus tard). Les communistes et les socialistes de l’époque avaient voté contre.
Appliquée après le coup du 13 mai 1958 en Métropole (où l’on craint l’opposition de la gauche), elle a été actualisée par une ordonnance du 15 avril 1960 visant à contenir les partisans de « l’Algérie Française » (barricades à Alger en février) se mobilisant contre le tournant du Général de Gaulle devenu favorable à une négociation avec le FLN ; mais elle n’empêchera pas le « putsch des généraux » le 21 avril 1961.
Laurent Fabius en fit usage pour la Nouvelle-Calédonie en décembre 1984. Saisi par la droite, le Conseil constitutionnel la juge alors conforme à la Constitution.
Elle a été « ressuscitée » par Dominique de Villepin le 8 novembre 2005 pour répondre aux manifestations dans les banlieues et ce pour les seuls territoires de 31 communes et de 8 Départements de la Région parisienne. Bien au-delà des 12 jours prévus par le texte, elle restera en vigueur jusqu’au 4 janvier 2006 malgré la saisine du Conseil d’État par 75 universitaires.
Pour la première fois dans son histoire, l’application de cette loi ce 13 novembre 2015 vaut pour tout le territoire de la République sans exception. Cela participe donc de l’extension désordonnée des « pouvoirs de crise » de l’Exécutif.