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LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL DOIT AUSSI GUÉRIR LE TRAVAIL

Publié le lundi, 19 août 2013 dans Autogestion, Notre Projet, Point de vue, Social

En prélude à un débat qui vont se tenir lors de l’Université d’été des Alternatifs du 21 au 24 août , Jean Louis LE BOURHIS a écrit se texte. Il y fait référence à d’autres textes, déjà publiés sur ce blog :

http://alternatifs81.fr/?p=2692

http://alternatifs81.fr/?p=1872

Chaplin194Dans un document pour lequel j’ai tenu la plume, et auquel avaient participé quelques Alternatifs, nous avions dégagé les bases d’une Réduction du Temps de Travail sociale et écologiste. Je n’en renie rien mais je voudrais insister sur ce qui était en filigrane et qui demande à être explicité: « quel rapport au travail  avons-nous?« .  C’est là une condition si nous voulons que les potentialités autogestionnaires de la RTT existent.

Nous devons, en premier lieu, ne pas prendre nos souhaits pour une réalité. Le travail occupe encore un rôle central dans la manière dont les personnes se définissent et s’affirment. Nous verrons plus loin les vertus socialisantes du travail en soi, mais cette affirmation est particulièrement forte en France.

Une enquête  européenne de 1996 montrait que la France était le pays qui y accordait le plus d’importance de toute l’Union Européenne (environ 70%). Dans une proportion similaire les Français considèrent que les choses n’allaient pas bien dans leur boulot. en 2011 (enquête Radio  France).

Cette importance du travail, il nous faut cependant l’interroger. 2 exemples semblent attester de cette réalité.

Dans un faux paradoxe, la période de chômage de masse que nous vivons ne  diminue en rien l’attachement au travail; bien au contraire. Le travail hante d’autant plus ceux qui n’en ont pas. Un certain temps libre est contaminé par les logiques à l’œuvre dans les entreprises : les jeux télévisés (« Masterchef« , « le Maillon faible«  … etc) répètent l’épreuve de l’évaluation que l’on vit dans l’entreprise.

Le mouvement féministe et ceux qui le soutiennent se sont battus pour le travail des femmes et contre leur retour au foyer. Au nom de la seule conquête de l’autonomie financière? Je ne le crois pas. Il y aussi en jeu autre chose comme « créer des liens sociaux en dehors de la famille« . J’isole là une partie de la définition donnée par Marie JAHODA dans « Les Chômeurs de Marienthal« : « Il (le travail) impose une structure temporelle de la vie; il crée des contacts sociaux en dehors de la famille; il donne des buts dépassant les siens propres; il définit l’identité sociale et il force l’action », que je considère comme opérante et peu susceptible d’évolution.

Le travail est un moyen d’affirmation de son « moi« , irréductible aux identités héritées, même si ce n’est pas le seul. Avant que certains n’explosent ou ne fassent preuve d’un humour très noir : « le travail est tellement bon  pour l’homme qu’il s’en suicide » , soyons clairs.

OUI dans ce capitalisme du XXI éme siècle, avec son mode managérial de fonctionnement, cette potentialité  devient une exception. Danièle LINHART résume assez bien la transformation intervenue entre la fin des années 70 et maintenant : »le travail qui était une expérience socialisatrice et collective se transforme en épreuve solitaire » (Basta Mag 31/08/2011).  Mais est ce le salarié qui est malade ou le travail qu’il faut soigner? A l’aune de la RTT  on voit bien que celle ci est incapable de guérir le salarié malade: elle limitera le temps chronique de la souffrance mais ne guérira rien : la souffrance restera.

Dans notre document, nous insistions sur une forte réduction du temps de travail pour obliger à repenser l’organisation du travail. Nous considérons cela comme primordial et pouvons dire comme Bruno TRENTIN, important dirigeant syndical italien dans les années 70:  » Séparer la question de la durée de travail, des temps de travail et de vie hors du travail des questions des contenus du travail lui même … constitue, dans les conditions actuelles, un travail de Sisyphe. » 

Si cela n’est pas théorique, cela signifie que le lieu de travail ne peut être abandonné, qu’il reste un lieu essentiel pour la transformation sociale. Or les idéologues du travail   comme les tenants du travail comme aliénation à fuir à tout prix ont abandonné le travail réel.  

André GORZ depuis les « Adieux du prolétariat » juge que le combat des travailleurs est vain, que la transformation viendra de l’extérieur : extension du temps libre et revenu.

C’est sans doute un peu caricatural mais beaucoup de ceux qui s’y référent glorifient le temps libre à l’excès.

D’abord parce qu’il y a une aliénation dans le temps libre comme dans le travail et que nous sommes très naifs à voir dans le temps libéré du temps pour devenir citoyen ou se cultiver: les loisirs de masse veillent à éviter ces potentialités. Ensuite, il pose comme postulat inconscient  que « si nous ne pouvons plus changer les choses de l’intérieur nous pourrions les changer de l’extérieur« , comme si, tout à coup, nous serions libéré de l’aliénation du travail.

Cette lecture du travail ne donne aucune solution à ceux qui sont encore dans la production.

A partir d’une vision totalement différente, voire opposée, les tenants du marxisme (mais sans doute pas Marx) ont amputé le combat de la  » classe ouvrière », se focalisant  sur l’exploitation au détriment total de l’oppression: le rouage de la machine.

A cet égard, le livre de Bruno TRENTIN dresse un tableau accablant et, hélas, fort convaincant. Il montre combien les réflexions sur la classe ouvrière sont devenues une métaphysique sans rapport avec les luttes réelles, combien les organisations socialistes et syndicales sont incapables d’entrevoir une réponse à un taylorisme en crise, tout simplement  parce qu’elles continuent à penser celui ci comme une donnée rationnelle,  donc in-transformable (cf l’analyse d’ « Américanisme et Fordisme » de GRAMSCI) .

Pratiquement, quelle réduction du temps de travail défendre?

D’abord ne pas en proposer une vision hémiplégique: « créer de l’emploi ou gagner du temps sur le travail? « 

Il s’agit  bien de se battre pour une mesure capable de dessiner une autre société, générant   et des emplois et une réduction de l’emprise du travail  sur nos vies.

Ensuite, nous l’avions écrit mais il faut insister  plus lourdement ici: la réduction du temps de travail doit être forte (à mon avis autour de 28 /30 heures maximum) et rompre avec l’idéologie de la productivité  qui devra baisser.

Enfin  si nous voulons que notre folie (car attendons nous à être traités de doux illuminés par quasiment toute la gauche) puisse se réaliser il faut penser et agir sur le travail réel tel qu’il se pratique sur les lieux de production. C’est d’ailleurs une des conditions pour que les potentialités autogestionnaires de la réduction du temps de travail puissent éclore.

Comme on disait dans les premiers temps des luttes ouvrières : « l’émancipation du travail sera l’œuvre des travailleurs eux mêmes« .

Pour conclure, je voudrais couper court à toutes les caricatures en les assumant: oui je suis ouvriériste et oui  je suis pour la paresse puisque en faveur  d’un revenu (dont les modalités sont largement toujours à discuter).

Jean Louis LE BOURHIS

Nous ajoutons à ce texte une 1ère réaction de Bernadette BOUCHARD (Les Alternatifs 06)

d’autres pourront suivre . . .en « commentaires « 

Le travail ne serait pas « aliénant » s’il n’était pas obligatoire.

L’obligation est aliénante puisque contraire au libre choix.

Toutes les qualités que tu lui confères ( avec 70 % des français dis-tu ) peuvent être trouvées en dehors de l’obligation à travailler. Il est certain que pour se défaire du travail il faut œuvrer avant et en même temps à la transformation des principes mêmes de notre vie en société.

Car le travail permet que la société fonctionne, il n’est donc pas inutile…C’est la manière dont il est considéré et qui en reçoit les bénéfices qui posent problème.

Certains n’en ont pas parce qu’il leur est confisqué par l’oligarchie capitaliste. Il suffirait que le travail ne serve qu’à assurer le bien être de de toutes et tous, inutile qu’il en enrichisse certain-e-s.

Mais actuellement, c’est sur lui que repose la survie des hommes et des femmes du peuple ( tout le monde moins les capitalistes) .

Il est donc premier dans notre société . Mais il pourrait n’être que secondaire, servir simplement à la vie de la cité. Les richesses produites pourraient être partagées sous forme de revenu universel et chacun-e choisir de « travailler » ou non.

Ce ne serait plus un « travail » mais une « activité rémunérée », comme il y a déjà et peut toujours y avoir des « activités non rémunérées ». C’est aux citoyen-ne-s d’en décider.
Nous nous devons de déconstruire cette image du travail comme émancipateur c’est le contraire qu’il est, tel que nous le vivons. La notion et les principes du travail sont à transformer sans hésitations.
Voilà ce que je tenais à dire de ma propre réflexion sur la RTT qui est un moyen, parmi d’autres, de désacraliser le « travail salarié ».
Amicalement

Bernadette BOUCHARD (Les Alternatifs 06)

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