Matière à réflexion (Patrick MIGNARD) LES MASQUES TOMBENT !
LES MASQUES TOMBENT !Le spectacle que nous donne depuis deux mois l’UMP, principal parti de la droite française est riche d’enseignements. Il vaut largement tous les discours sur la réalité de la politique et sur ce qu’est la classe politique dans son ensemble.
Pour une fois que s’expriment clairement les mécanismes qui animent les partis politiques, on ferait bien d’observer cela à la loupe et d’en tirer les conclusions qui s’imposent.*
UN DERAPAGE ?… PAS DU TOUT
Ce serait un peu facile de s’en tenir à cette hypothèse, celle du dérapage, du dysfonctionnement, de l’erreur d’organisation.
Les politiciens qui composent les partis sont des professionnels, des techniciens de l’organisation, ils ont de l’expérience, les moyens, ils savent quelles sont les conséquences de leurs actes, des décisions qu’ils prennent, ou ne prennent pas, ce que sont les jeux d’alliance et par dessus tout, comment sauvegarder leurs intérêts. Ce sont des personnes qui n’ont aucun scrupule,… il suffit de voir certains parler d’équité et d’honnête à la télévision sans la moindre honte (des noms ?)…. alors qu’un certain nombre – pour ne pas dire un nombre certain – sont pris dans des procédures judiciaires.
Qui peut déceler dans ce conflit d’appareil un quelconque débat idéologique ? Et si c’était véritablement une question de divergence idéologique on en verrai tout de suite les tenants et les aboutissants,… or les personnes, les clans concernés reconnaissent publiquement qu’il n’y a pas à proprement parler – si j’ose dire – de divergences idéologiques. Il s’agit donc bien d’un conflit d’intérêts, d’une lutte de clans.
Le spectacle est-il affligeant ? Pas du tout, il correspond tout à fait à la réalité de ce qu’est la politique et la classe politique. Ce spectacle dévoile les véritables mécanismes qui président au fonctionnement des partis politiques.
Ce qui est par contre affligeant c’est que les citoyens, devant une telle évidence continuent à faire confiance à cette engeance qui les prend pour des imbéciles et continuent à lui donner du crédit en participant aux élections qui servent d’alibis « démocratique » à cette mascarade.
Par contre, quand la gauche trouve « préoccupant et affligeant » le spectacle donné par l’UMP, il y a une partie de sincérité dans le propos,… En effet, et la représentante du Gouvernement le dit bien : ce spectacle « jette le discrédit sur l’ensemble de la classe politique »… et elle a tout à fait raison. D’une certaine manière elle reconnaît le bien fondé de ce discrédit qui touche aujourd’hui l’ensemble des acteurs politiques de ce que l’on appelle les « grandes démocraties ».
UNE CASTE CENTREE SUR ELLE-MEME
L’UMP donne en effet un spectacle dont elle n’a pas le monopole. Tous les partis sont concernés par ce fonctionnement.
Normalement – si j’ose dire – tout se passe sans vague, sans bruit, à l’écart des militants et des médias. La caste dirigeante des partis fait ses petites et grandes affaires à l’abri des regards. Les postes sont distribués – voire achetés – au prorata des luttes d’influences, des courants, des prétentions, des capacités de nuisances (des noms ?),… et ce en dehors des militants naïfs, manipulés, enfumés, qui croient avoir le pouvoir.
Un congrès de parti politique c’est d’abord un partage des pouvoirs entre les chefs de files, de tendances, de clans, de courants. On ne vote pas pour une ligne politique – qui ne change pas des autres – mais pour celle ou celui « qui présente bien », « qui a des chance d’être élu à la Présidence de la République », « qui a le plus d’autorité », « qui est le mieux apprécié des Français »,…
Le dosage pour la constitution de la direction du parti est fonction de l’aura des chefs, des prétendants, bref de la manière dont ils ont su séduire les militants, de la ténacité de leurs « lieutenants » et de leur prestance dans les médias.
Tout cela se discute en petit comité, tout au long de longues nuits de congrès (parfois genre « nuit des longs couteaux », du moins symboliquement) où le moins fatigué à des chances de l’emporter. Les décisions finales se prennent généralement entre responsables et sont présentées, bien sûr, comme une « grande victoire du fonctionnement démocratique du parti ». Rien ne fuite, tout est sous contrôle. Le Parti Socialiste est passé maître dans ce genre d’exercice.
La paix dans le parti est affaire de savants dosages… Si cette délicate alchimie échoue,… alors c’est l’explosion qui réveille tout le monde. C’est ce qui c’est passé avec l’UMP, mais aussi avec la scission du FN en 1998.
A ce propos l’extrême droite, le FN, est mal venue de se gausser du spectacle offert par l’UMP. La scission de Mégret est l’aboutissement d’un combat de chefs pas plus ragoûtant que le combat Copé –Fillon. Quant à l’arrivée à la présidence de Marine Le Pen, elle est l’aboutissement d’une manoeuvre familiale menée par le « guide » afin que le parti reste à la famille de celui-ci.
L’objectif final pour tous : atteindre les plus hautes marches du pouvoir, distribuer les postes aux copains et gérer, le plus longtemps possible, le système en place.
ET LES MILITANTS DANS TOUT CA ?
Tout se fait en leur nom,… « on ne pense, évidemment, qu’à eux », … on leur dit – sans rire – que le parti c’est eux, et uniquement eux !… Et ils le croient ! Ils vivent intensément la course qui se joue devant leurs yeux,… un peu comme le turfiste, les yeux rivés sur son favori.
Les idées ? Ils n’en ont que faire,… ou si peu. De toute manière ils font confiance à leur champion, c’est lui qui « saura le mieux exprimer ce qu’ils pensent » !…
Les luttes de clans au sein du parti ? Euh !… c’est pas bien, mais point trop n’en faut. Si ça ne dépasse pas les bornes – autrement dit si ça ne fait pas de vagues dans les médias – alors on accepte. On accepte d’autant mieux que les bureaucrates expliquent – sans rire – que « c’est le jeu normal de la démocratie »… Alors que demander d’autre si c’est ça la démocratie ?…
Quant aux citoyens Lamba, adhérents à aucun parti, ils ne sont que du matériel d’élections,… ce ne sont que des électeurs auprès desquels on fera la danse du ventre pour les séduire le moment venu… Et comme ils n’auront pas le choix – à moins de s’abstenir et de passer pour de « mauvais citoyens » – ils choisiront les « produits politiques » faisandés qui leur seront présentés. Il faut dire qu’un effort sera fait question emballage.
Ainsi vont les « grandes démocraties ». Ainsi va un système qui est capable de produire une classe politique parasite, complètement déconnectée de la réalité sociale. Une classe dont le seul pouvoir consiste à assurer la pérennité de ses privilèges et de gérer un système sur lequel elle n’a quasiment plus d’influence (voir son impuissance par rapport aux marchés et firmes transnationales) et qui conduit celles et ceux qui ont l’inconscience de voter pour elle à la catastrophe.
L’avenir n’est plus – s’il y a un jour été – entre les main de cette caste, il est entre celles de celles et ceux qui sont réduits aujourd’hui à l’état de caution démocratique, les citoyens qui n’en ont plus que le nom.
Décembre 2012 Patrick MIGNARD
Voir aussi :
« PEUT-ON AVOIR CONFIANCE DANS LES HOMMES/FEMMES POLITIQUES ? »
« LA FAUSSE DEMOCRATIE DES PARTI POLITIQUES »
« LA « DEMOCRATIE » CONTRE LA DEMOCRATIE »
« LES BAS-FONDS DE LA POLITIQUE »
« MISERE DE LA CONDITION MILITANTE »
« USAGE ET CONTRE USAGE ET DU « TOUS POURRIS » »
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