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GRECE UNE VOIE ÉTROITE. Une contribution de Pierre Khalfa de la Fondation Copernic

Publié le vendredi, 10 juillet 2015 dans Notre Economie et la leur

69978077_p1Le non des grecs au référendum aurait pu être une chance immense pour l’Europe. Il aurait pu permettre que s’engage enfin un véritable débat sur la nature de la construction européenne. Évidemment, cette éventualité était insupportable pour les dirigeants européens. Ainsi dès l’annonce du référendum, l’étranglement financier du pays s’est encore aggravé et la fermeture des banques qui s’en est suivie est en train d’aboutir à sa paralysie économique alors que les difficultés de plus en plus grandes des banques grecques à se refinancer auprès de la BCE laissaient planer la menace de leur faillite.

Plus que jamais, le choix laissé au gouvernement grec par les dirigeants européens se résume à « capitulation ou sortie de l’euro ». C’est ce dilemme qu’Alexis Tsipras avait voulu éviter en se battant pour un compromis qui lui aurait laissé assez de marges de manœuvres pour mener une politique nouvelle. Le référendum a été un témoignage éclatant de dignité du peuple grec mais il n’a pas modifié les rapports de forces en Europe. Il fallait que l’expression de la volonté populaire soit tuée dans l’œuf. S’en est suivie la menace d’expulser la Grèce de la zone euro en laissant aller à son terme l’étranglement financier et l’ultimatum lancé au gouvernement grec. C’est donc le couteau sous la gorge qu’Alexis Tsipras a dû faire de nouvelles propositions.

Le document du 9 juillet admet la logique des dirigeants européens et du FMI, celle de dégager des surplus budgétaires primaires pour rembourser la dette : 1 % du PIB en 2015 alors même que l’activité économique s’est contractée, 2 % en 2016, 3 % en 2017 et 3,5 % à partir de 2018. Or, c’est justement cette logique, mise en œuvre depuis cinq ans, qui a abouti à une catastrophe sociale et économique… et à l’augmentation de la dette. Certes, une note de bas de page indique que « la trajectoire budgétaire pour atteindre l’objectif à moyen terme du surplus primaire de 3,5 % sera discutée avec les institutions au vu des développements économiques récents ». Cela laisse une marge de manœuvre au gouvernement grec. À noter aussi le fait que la réforme du marché du travail « prendra en compte les meilleures pratiques en Europe » en accord avec les normes du Bureau international du travail. A priori donc, les droits des salariés devraient être rétablis. Cependant, en plus du programme de privatisations, nombre de mesures vont dans le sens d’une austérité renouvelée.

En échange, le gouvernement grec veut obtenir la promesse d’une restructuration de la dette et le déblocage des 35 milliards de fonds européens destinés à la Grèce pour lui permettre de mettre en œuvre un plan de relance ainsi qu’une aide de 53 milliards du Mécanisme européen de stabilité (MES).

Etait-il possible de ne pas en arriver là dans les conditions actuelles de rapport de forces ? Cela aurait supposé une toute autre stratégie. Le gouvernement grec a refusé de prendre des mesures unilatérales par crainte d’être entrainé dans une logique qui aboutirait à une sortie de l’euro. Il s’est donc enfermé dans des négociations particulièrement déséquilibrées en se privant des instruments qui lui auraient permis de tenter d’améliorer son rapport de forces. Ainsi, le contrôle des capitaux aurait dû être instauré beaucoup plus tôt pour stopper l’hémorragie financière et la fragilisation du système bancaire. Un moratoire provisoire sur le remboursement de tout ou partie de la dette pour l’année 2015 aurait pu être décrété. Enfin en cas de crise de liquidités, le gouvernement aurait pu émettre des bons de paiement ou IOU, une « monnaie » complémentaire, dont la valeur aurait été garantie par les recettes fiscales.

 

 

Le résultat d’un tel bras de fer n’était évidemment pas garanti et nul ne peut dire a priori s’il aurait été possible d’éviter d’être pris dans le dilemme « capitulation ou sortie de l’euro ». Mais nous pouvons tirer une leçon de ce qui s’est passé depuis trois mois. Il est vain de croire qu’il est possible de faire entendre raison aux dirigeants européens. Il n’y aura pas d’alternative aux politiques néolibérales sans l’ouverture d’une crise politique en Europe.

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