Publié le
mardi, 5 mai 2015 dans
Anti Racismes, International
Le MRAP exprime sa plus vive inquiétude sur la situation au Burundi, pays d’Afrique de dix millions d’habitant-e-s, qui risque de basculer dangereusement. Passant outre les avertissements que lui avaient adressés l’Eglise catholique de son pays, l’Union européenne, et les Etats-Unis, le président Pierre Nkurunzinza a déclaré qu’il entend briguer encore une fois le pouvoir.
La constitution et les accords internationaux d’Arusha, intervenus pour clore la guerre civile des années 1993 à 2005/06, interdisent au chef de l’Etat d’effectuer plus de deux mandats. Mais un porte-parole du pouvoir avait déclaré, en mars dernier, que les accords d’Arusha n’étaient « pas une bible, pas un évangile », faisant fi de l’accord négocié pour instaurer la paix après 300.000 morts.
Le président Pierre Nkurunziza adopte une interprétation particulière des dispositions qui limitent les mandats présidentiels : en 2005, il avait été élu par un parlement provisoire (mis en place au moment de la sortie de guerre civile), alors qu’en 2010, c’est le peuple qui avait été appelé aux urnes. Le président défend maintenant l’idée que le premier mandat ne compterait pas, et qu’il peut donc se représenter.
Pour se maintenir au pouvoir, il a créé une milice armée nommée Imbonerakure, composée en partie d’anciens génocidaires rwandais.
Depuis l’annonce officielle de la nouvelle candidature du président en exercice, intervenue le 25 avril dernier, au moins 12 personnes ont été tuées par balles par la police et la milice. Plusieurs centaines ont été arrêtées, et souvent torturées. Plus de 20 000 Burundais ont fui, et se sont réfugiés dans les pays voisins. Les radios non gouvernementales et la Maison de la Presse ont été fermées.
Le risque le plus grave est que les affrontements politiques rallument les flammes du discours de haine qui ethnicisent les problèmes politiques, cherchant à pousser Hutus et Tutsis à l’affrontement. Des massacres politiques et ethniques avaient poussé le Burundi à l’abîme pendant treize ans, entre 1993 et 2006. On a alors parlé de « génocide rampant », en comparaison avec celui au Rwanda voisin en 1994, qui a coûté la vie à un million d’hommes, de femmes, d’enfants en cent jours.
La « ligue des jeunes » du parti au pouvoir et certaines radios, proches de ce dernier, tentent déjà de rallumer les flammes d’un conflit présenté comme inter-ethnique.
Il faut absolument empêcher tout basculement vers l’irréparable.
Des pressions internationales déterminées doivent être exercées pour que le président en exercice renonce à son projet anticonstitutionnel. Il convient d’exercer une vigilance de tout instant pour éviter les risques d’affrontements et des massacres. Si le pouvoir persiste sur le plus mauvais chemin, il faut que soient gelés les avoirs de ses représentants à l’étranger et envisager des sanctions diplomatiques.
Le MRAP s’associera à toutes les initiatives visant à maintenir ou réinstaurer la paix civile au Burundi, à dénoncer les violations des droits humains, les arrestations arbitraires, les tortures, le musèlement de la presse et les menaces graves de conflit ethnique.
Paris le 5 mai 2015
Soyez le premier à poster un commentaire.