L’urgence décrétée renvoie dans l’ombre le véritable sujet : les pouvoirs de surveillance de l’État sur les citoyens.
La communication gouvernementale ne doit pas nous tromper : en fait d’encadrement, ce projet entérine les pratiques illégales des services et légalise, dans de vastes domaines de la vie sociales, des méthodes de surveillance lourdement intrusives.
Le texte ajoute des moyens de surveillance généralisée comparables à ceux de la NSA dénoncés par Edward Snowden, sans garantie pour les libertés individuelles et pour le respect de la vie privée. Création de « boîtes noires » destinées à scanner le Web indistinctement, collecte de masse de données personnelles, durée de conservation allongée jusqu’à cinq ans pour certaines données, opacité des moyens d’exploitation de ces données… Les méthodes de surveillance sont massives, le contrôle inconsistant.
Le texte issu de la commission des lois porte un déséquilibre liberticide : l’usage de techniques de surveillance est entre les mains de l’exécutif, sans contrôle solide. La Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, soi-disant garante des libertés, ne disposera ni des pouvoirs ni des moyens nécessaires pour accomplir sa mission. Le Premier ministre pourra toujours passer outre son avis, et elle ne pourra rien interrompre par elle-même. Le gouvernement se refuse à assurer un contrôle systématique et indépendant a priori des demandes des services et organise un contrôle a posteriori illusoire. La saisine du juge administratif restera aléatoire et la procédure asymétrique, les principes processuels fondamentaux cédant devant le secret défense.
Tous les citoyens sont concernés : non seulement parce que les méthodes relèvent de la surveillance de masse, mais aussi parce que le texte étend dangereusement le champ d’action des services spécialisés.
La surveillance pourra s’abattre sur les mouvements sociaux et politiques, au titre de la « prévention des violences collectives » et sur tout citoyen ou mobilisation qui, dénonçant des pratiques industrielles néfastes, porterait atteinte aux « intérêts économiques ou industriels essentiels de la France ».
Ce projet est une menace pour les libertés politiques et les mobilisations à venir. La liberté et la sûreté, droits naturels et imprescriptibles reconnus par la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen sont en péril.
Citoyens et parlementaires doivent refuser ce simulacre de débat et exiger une discussion démocratique protégeant chacun contre les dérives d’une société de surveillance et assurant un contrôle strict et indépendant de l’activité des services de renseignement.
L’Observatoire des libertés et du numérique (OLN) vous appelle à amplifier le mouvement de contestation actuel contre ce projet de loi, en nous rassemblant nombreux le lundi 13 avril 2015 à 12h30, place Edouard Herriot, à Paris, à l’appel des associations et syndicats suivants : OLN : Cecil, Creis-Terminal, La Quadrature du Net, LDH, Syndicat des avocats de France, Syndicat de la Magistrature
Autres signataires : Amnesty International, Attac, Fondation Copernic, Solidaires, Syndicat national des journalistes
Observations sur le projet de loi relatif au renseignement, par le Syndicat de la Magistrature
Observations présentées par le Syndicat de la magistrature devant la Commission des lois (avant l’examen des amendements en commission des lois)
Alors que cette logique devrait prévaloir et placer au cœur du débat démocratique la protection des individus contre les abus de la puissance publique, car tel est le sens de la notion de sûreté telle que conçue par les rédacteurs de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, c’est d’abord à la protection des agents des services de renseignement que ce texte œuvre. Alors que les citoyens sont, en matière de renseignement, les cibles potentielles de la surveillance étatique, la garantie de leurs libertés n’est que secondairement l’objet de ce texte.
- Restreindre l’activité des services de renseignement à une fonction de connaissance et d’anticipation, dans un domaine strictement défini qui exclue la surveillance politique des activités militantes et le recueil d’information sur des actes délinquants ou criminels déterminés qui relèvent de la police judiciaire.
- Exclure certaines mesures ciblées du champ du renseignement et notamment la sonorisation de domicile ou de véhicule. Ces pratiques extrêmement intrusives ne peuvent trouver une légitimité que dans le cadre d’une information judiciaire sous le contrôle d’un juge indépendant, avec les garanties procédurales attachées à ce dispositif.
- Exclure l’ensemble des mesures de surveillance généralisée : IMSI catching, traitement automatisé de données de connexion. Du fait de leur caractère massivement intrusif, de telles pratiques ne peuvent trouver une légitimité que dans le cadre d’une information judiciaire, sous le contrôle d’un juge d’instruction indépendant.
- Refuser l’adjonction d’un régime de renseignement spécifique aux personnes détenus et fondé sur le seul risque d’évasion ou de trouble au bon ordre. Les personnes détenues n’ayant vocation à faire l’objet de surveillance qu’en fonction des critères généraux énoncés par la loi.
- Refuser l’allongement de la durée de conservation des données recueillies dans le cadre de la mise en œuvre de techniques de renseignement.
- Confier le pouvoir d’autorisation des techniques d’investigation à une instance indépendante composée de juges administratifs et de juge judiciaires, ces derniers devant être majoritaires, accompagnés par des techniciens et excluant tout membre du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif.
- Prévoir un recours juridictionnel a posteriori, dans des conditions assurant le respect du contradictoire et les conditions d’une défense réelle, notamment en réduisant le champ du secret défense.
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