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Audit de la DETTE : Texte de référence

Publié le mercredi, 14 mars 2012 dans Gauche de combat, Notre Economie et la leur, Services Publics

Texte de référence

Le texte suivant récapitule le contexte, les enjeux, les objectifs et les moyens de l’initiative d’audit citoyen de la dette publique. Les organisations membres et en soutien du collectif en sont signataires.

« Nous vivons au-dessus de nos moyens », telle est la rengaine que l’on nous ressasse dans les grands médias. Maintenant « il faut rembourser la dette », nous répète-t-on matin et soir. « On n’a pas le choix, il faut rassurer les marchés financiers, sauver la bonne réputation, le triple A de la France ».

Mais d’où vient cette dette ? L’avons-nous décidée ? A-t-elle été contractée dans l’intérêt général, ou bien au bénéfice de minorités déjà privilégiées ? Qui détient ses titres et profite de l’austérité ? Peut-on alléger son fardeau autrement qu’en appauvrissant les populations?

Ne sommes-nous donc plus que des jouets entre les mains des spéculateurs et des créanciers ? Ou bien encore des citoyens, capables de délibérer ensemble de notre avenir ?

Ces questions, de plus en plus nombreux sont ceux qui se les posent. Les indignés espagnols refusent que les gouvernements y répondent contre la volonté du peuple. En Grèce un comité pour l’audit de la dette mobilise de nombreux citoyens. Dans toute l’Europe et en France un large débat démocratique est urgent, car les réponses apportées à ces questions détermineront l’avenir du pays et de l’Union.

C’est pourquoi nous avons décidé de créer un collectif national pour un audit citoyen de la dette publique, afin de porter ce débat au cœur de la société.

1. Éléments de diagnostic général

La crise financière de 2007-2008 n’a pas débouché sur un cataclysme grâce à l’intervention massive des États. Mais les coûts du sauvetage de la finance et de la récession ont fait exploser les déficits et les dettes publiques.

C’est alors que les acteurs financiers, laissés libres de leurs mouvements, ont réussi la prouesse de transformer leur crise en une « crise de la dette publique ». Les États, accusés de frénésie dépensière, ont été sommés par les « marchés » et les agences de notation de réduire leurs déficits, sous la menace d’une augmentation dramatique des taux d’intérêts. Les cas de la Grèce, du Portugal ou de l’Irlande montrent que cette menace est crédible.

La crise provient pourtant de la montée des inégalités, de l’endettement privé et de l’irresponsabilité de la finance ; aucunement des dépenses publiques, dont la part dans le PIB n’a pas augmenté depuis 20 ans. La dette publique résulte des politiques néolibérales menées depuis trente ans. Plusieurs facteurs peuvent déjà être identifiés, même si leurs contributions relatives sont à préciser : les cadeaux fiscaux et sociaux consentis aux riches et aux grandes entreprises, les taux d’intérêt élevés consentis aux prêteurs, les crises financières et bancaires, le fleurissement des paradis fiscaux et la mise en concurrence des législations fiscales des États, l’évasion fiscale des entreprises multinationales et des grandes fortunes. Pourtant les gouvernements des Etats de l’Union européenne, la Commission, la Banque centrale et le FMI prétextent le poids de la dette publique et la pression des marchés pour réduire encore les budgets sociaux et les investissements publics par des politiques d’hyperaustérité qu’ils veulent graver dans les constitutions nationales et dans les textes européens avec «  la règle d’or ».

Ces politiques sont injustes car elles font payer la crise de la finance par les peuples, et en particulier par les catégories les plus précaires et les plus défavorisées – au premier rang desquelles les femmes, majoritairement concernées par les bas salaires et le temps partiel, et doublement affectées par la baisse des dépenses publiques en tant que salariées et en tant qu’usagers. Ces politiques sont inefficaces contre le chômage et la précarité : menées simultanément dans toute l’Europe et aux États-Unis, elles enfoncent les économies dans la récession. Elles bloquent toute perspective de transition écologique et énergétique. Leur objectif réel n’est pas de sortir de la crise, mais de porter un coup décisif aux conquêtes sociales de l’après-guerre et à l’État social.

2. Le rôle de la dette publique dans l’offensive en cours

Les déficits et la dette publique ne sont pas des problèmes en soi. Quand ils financent des  investissements utiles au plan social et écologique, et s’ils sont eux-mêmes financés à des conditions raisonnables, ils sont légitimes et préparent l’avenir. Mais aujourd’hui, détenir le monopole du financement des déficits publics confère aux opérateurs financiers un pouvoir politique exorbitant. La dette publique est instrumentalisée par les « marchés » pour imposer la destruction des services publics et détourner la richesse vers les rentiers. Les intérêts de la dette française ponctionnent aujourd’hui près de 50 milliards d’euros chaque année sur les finances publiques. Ce poids s’aggrave à mesure que la crise financière s’approfondit et que les déficits perdurent. Il pourrait même exploser si les opérateurs financiers exigeaient à l’avenir, comme c’est fort possible, des taux d’intérêt plus élevés sur la dette française.

Il faut changer complètement les politiques économiques. Beaucoup de propositions existent en ce sens : une lutte efficace contre l’évasion et la fraude fiscales ; une réforme fiscale qui touche les hauts revenus et les dividendes ; un désarmement des marchés financiers par des taxes et des réglementations ; des investissements massifs pour l’environnement et l’emploi ; une réforme de la Banque centrale européenne pour qu’elle puisse prêter aux États à un taux inférieur ou égal à celui qu’elle consent aux banques privées…

Mais ces mesures supposent de toute évidence une forte mobilisation de la société. Or aujourd’hui le chantage à la dette publique pèse lourdement sur les possibilités d’action collective. Si on a trop dépensé, ne doit-on pas payer ? Si les prêteurs ne veulent plus nous prêter, comment financer les services publics ou les retraites ? Si l’on s’attaque aux intérêts financiers, les banques feront-elles faillite, les fortunes et les capitaux partiront-ils ? Les citoyens sont profondément inquiets. En même temps ils ne croient pas à l’histoire qu’on leur raconte, selon laquelle la crise serait la faute des États qui devraient maintenant s’incliner devant les spéculateurs et les banques.

Sur une question qui est au cœur de l’actualité économique mais aussi du débat politique, il existe donc dans la société une énorme attente d’information critique et de débat réellement pluraliste. C’est également le cas dans d’autres pays européens comme la Grèce, l’Irlande, l’Espagne et le Portugal, l’Italie, où des initiatives d’audit de la dette ont démarré ou sont en gestation. Ou bien dans des pays du Sud, comme la Tunisie, où des intérêts français ont contribué à soutenir les régimes autoritaires et creuser la dette.

3. L’audit citoyen : un enjeu démocratique décisif

L’audit citoyen est un processus de mobilisation de la société civile à partir de la question de la dette publique, visant à replacer dans le champ du débat démocratique des choix qui en sont aujourd’hui soustraits.

Car la « crise de la dette » pose avec une nouvelle acuité la question de la démocratie. Aujourd’hui, au plan national et dans les collectivités territoriales, toutes les catégories de dépenses publiques sont discutées et rabotées : retraites, emplois publics, dépenses de santé et de solidarité, investissements, … Toutes sauf une : la charge de la dette publique. Tout se passe comme si les droits des rentiers étaient seuls indiscutables, à la différence des droits des retraité-e-s, des élèves, des malades ou des générations futures.

En Europe les exigences insoutenables et imprévisibles des « marchés » dictent les politiques publiques au jour le jour. Des plans d’austérité draconiens ou la mobilisation de centaines de milliards d’euros dans des « fonds de stabilité » sont décidés en catastrophe lors de réunions improvisées par les chefs d’État et de gouvernement pendant des week-ends fébriles. Des réformes constitutionnelles régressives sont introduites sous la menace directe de représailles de la part des agences de notation.

Ce déni quotidien des principes démocratiques élémentaires n’est pas acceptable. L’audit citoyen vise à permettre aux citoyens de se réapproprier la question de la dette publique, et à partir de là les grandes questions de politique économique, comme des enjeux démocratiques. Il s’agit d’engager un examen public approfondi de quelques questions clés. D’où vient la dette publique – celle de l’Etat, des collectivités locales, des établissements publics ? Quelle est la part du coût du sauvetage des banques ? De la crise économique et financière, des plans de relance ? Des niches et cadeaux fiscaux successifs ? Des taux d’intérêts abusifs ?  De l’évasion et de la fraude fiscales ?  Des dépenses ou interventions militaires nuisibles ? Une partie, et laquelle, peut-elle être considérée comme illégitime, c’est-à-dire contractée au mépris de l’intérêt général et à ce titre faire l’objet d’une annulation ? Qui détient les titres de la dette ? Comment alléger sa charge sans spolier les petits épargnants ? Qui spécule sur elle ? Par quels mécanismes la dette publique est-elle aujourd’hui instrumentalisée pour détruire l’État social ? Quelles leçons tirer des récentes expériences (Argentine, Équateur, Islande…) où la dette publique a été en partie répudiée ? Quelles alternatives mettre en place, au plan local, national et européen ?

4. Le collectif pour un audit citoyen et ses moyens d’action

Le collectif national rassemble toutes les organisations et tous les citoyens qui partagent ses objectifs ; les partis politiques qui soutiennent sa démarche y participent en tant qu’observateurs, et peuvent, avec son accord, s’associer à ses initiatives.

Ses moyens d’action sont les suivants :

  • Constituer une base documentaire commune rassemblant les données et analyses pertinentes pour comprendre et mettre en débat dans la société l’origine, l’état actuel et l’instrumentalisation de la dette publique et stimuler la réflexion sur les alternatives à l’austérité ;

  • Exiger des pouvoirs publics qu’ils mettent à la disposition du collectif l’ensemble des informations économiques et financières pertinentes pour l’établissement d’un diagnostic précis de la situation ;

  • Publier des documents – écrits et audiovisuels – synthétiques et accessibles à tous, expliquant les enjeux et mécanismes à l’œuvre, y compris par le biais d’un site web autonome ;

  • Impulser la création de comités locaux d’audit de la dette publique ;

  • Organiser des débats publics et des actions citoyennes, au plan européen, national et local, en lien avec les organisations membres et partenaires ;

  • Interpeller les élus et les candidats aux élections sur leurs projets en matière de dette et de finances publiques ;

  • Se coordonner avec d’autres initiatives européennes et internationales sur le même thème pour construire une mobilisation européenne contre la dette et les plans d’austérité ;

  • Soutenir et participer aux initiatives spécifiques d’audit prises par les mouvements des pays du Sud confrontés à des dettes, contractées notamment envers des intérêts français.

Signataires du texte de référence (membres du collectifs) :

  • Assos et collectifs : AC!, Act up-Paris, Aitec, Amis de la Terre, Attac, CADTM, CEDETIM-IPAM, Collectif National des Droits des Femmes, Collectif Richesse, Coopérative DHR, Économistes Atterrés, Fondation Copernic, Utopia, LDH, Marches Européennes, RECit, Réseau Éducation Populaire.

  • Syndicats : Confédération CGT, Fédération des Finances CGT, Fédération syndicale unitaire (FSU), Union SNUI-SUD Trésor Solidaires, Sud Banque populaire – Caisse d’épargne (Sud BPCE), Union syndicale Solidaires.

  • En soutien : Alternatifs, Europe Ecologie Les Verts (EELV), Fédération pour une alternative sociale et écologique (FASE), Mouvement politique d’éducation populaire (MPEP), Nouveau parti anticapitaliste (NPA), Parti de Gauche (PG), Parti Communiste Français (PCF), Parti Communiste des Ouvriers de France (PCOF), Parti pour la Décroissance.

Citation du jour :

«S’il y a une chose que je sais, c’est que les 1 % plus riches aiment les crises» Naomi Klein, devant Occupy Wall Street

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