Avant d’aborder le fond des questions, il importe de déblayer les gravats de l’histoire et de dénoncer une falsification historique. Car tout est plus compliqué lorsque médias et historiens utilisent un même terme – communisme – pour désigner le système stalinien et post-stalinien qui n’avait rien à voir avec le communisme. Le régime né de la révolution d’Octobre 1917 était-il voué à cette dérive bureaucratique ? Quelle aurait pu être une alternative viable à cette dérive ? L’autogestion socialiste ?
Sans cette démocratie radicale la dérive bureaucratique devint une pente irréversible. La faute initiale fut bel et bien la sous-estimation du contrepoids démocratique indispensable et son corollaire : le substitutisme d’une avant-garde à toute régulation démocratique par le peuple. On commence par le substitutisme et on finit par l’usurpation de tout le pouvoir par un seul.
L’alternative autogestionnaire.
L’autogestion – économique et politique – c’est d’abord la prise en compte du danger substitutiste : il est partout présent, aujourd’hui encore sous la forme de la « démocratie représentative ». Celle-ci désormais, sous la pression de la finance et de la religion du tout-libéral, est totalement vidée de son contenu. Ce détournement complet de la « démocratie représentative » oblige à la redéfinir pour ce qu’elle est devenue aujourd’hui : l’organisation minutieuse de la démission citoyenne généralisée. Qu’on ne s’étonne plus des taux d’abstention en progression vertigineuse à toutes les élections !
L’autogestion généralisée – même si sa construction reste à inventer – sera le contraire de cette démission : l’élu devra écouter ses électeurs et non plus l’inverse ; le mandat sera impératif et révocable ; il y aura une rotation obligatoire à tous les postes de responsabilité ; les droits des minorités seront respectés ; la place des femmes sera totalement garantie. Le consensus sera privilégié à tous les niveaux.
Cet ensemble de mesures et de garde-fous vise à renforcer la démocratie sous toutes ses formes, à commencer par les entreprises et les services. Ici l’autogestion sera à la fois interne et externe, c’est-à-dire qu’elle prendra en compte non seulement les choix des salariés, mais aussi ceux des consommateurs ou utilisateurs et de la société dans son ensemble.
Pour ce faire, les grands moyens de production et les services publics ne seront plus la propriété privée de quiconque – actionnaires et/ou multinationales – pris dans l’engrenage de la compétition et de la concentration par des impératifs de rendements financiers ; ils ne seront pas non plus nationalisés et par là soumis à une bureaucratie d’État. Ils seront socialisés, c’est-à-dire qu’ils seront la propriété collective d’une coopérative ou d’un pouvoir local ou régional et gérés par – et au profit de – toutes les parties/catégories/couches concernées.
L’État autogéré aura joué son rôle en réduisant le périmètre de la propriété privée et celui de l’économie capitaliste, au bénéfice d’une économie sociale durable et d’intérêt général. Nous retrouvons là les principes d’une société communiste selon Marx, augmentés et nourris de l’expérience catastrophique, criminelle et suicidaire, des États totalitaires du xxème siècle. Ceux-ci ont tous proliféré sur le principe de « substitution d’une avant-garde auto-proclamée » à l’expression démocratique de la société toute entière.
À ce jour, le communisme n’a existé nulle part sinon comme projet et les expériences qui s’en réclamaient obligent à le redéfinir. Sa redéfinition conduit à redéfinir la démocratie même, car elle non plus n’a été réalisée nulle part comme pouvoir du peuple : ses prémisses font qu’elle se situe encore dans sa « préhistoire ». L’autogestion est son aboutissement. Elle seule peut réaliser une société socialiste.
Gilbert DALGALIAN (Les Alternatifs)
Cet article est disponible dans le numéro 5 de Trait d’union, bulletin commun aux Alternatifs, la Gauche Anticapitaliste, la Gauche Unitaire, Convergences et Alternative, République et socialisme, la FASE
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