I – Un processus de convergence dans une étape décisive
En 2013 Initié début 2012 par l’appel «Ce monde n’a aucun sens, inventons-en un autre » puis par la convergence de plusieurs organisations politiques, le processus de regroupement de la gauche alternative à l’échelle nationale est en marche. Ce processus s’appuie sur deux démarches complémentaires toutes les deux indispensables : l’impulsion partagée par des militant-e-s d’organisations et de mouvements sociaux et altermondialistes d’une part, l’engagement d’organisations politiques d’autre part.
Elles sont toutes les deux indispensables car :
– l’engagement des organisations politiques est indispensable pour mettre fin à l’émiettement et construire une nouvelle force politique commune. Le processus de convergence doit en effet s’enrichir des apports théoriques et des enracinements militants de chaque organisation ou courant.
– la participation au processus, dès le départ, de militantes et militants de mouvements sociaux et altermondialistes est tout aussi indispensable pour construire une force politique large rompant avec des formes politiques à l’ancienne et une cartellisation étriquée.
Elle sera une concrétisation du refus de la logique de subordination du mouvement social à la sphère politique.
Malgré des tensions inévitables, le pari de la complémentarité contre la concurrence ou la mise à l’écart s’est révélé positif, et les Alternatifs -d’autres aussi- s’y sont employés de manière constante. C’est l’un des éléments du mandat donné par le congrès de 2012 et les coordinations qui ont suivi aux représentant-e-s des Alternatifs dans le processus.
Celui-ci a connu trois étapes en 2012 :
– le lancement de l’appel.
– le rapprochement FASE-CA-GA-GU à l’automne avec la déclaration commune puis la publication du bulletin « Trait d’union ».
– la décision du congrès des Alternatifs de participation au Front de Gauche.
La seconde étape a été facilitée par la décision très rapide, durant l’été 2012, prise par la Gauche Anticapitaliste de rejoindre le Front de Gauche, et par l’engagement prudent de Gauche Unitaire dans ce processus. Désormais, toutes les organisations étant partie prenante du Front de Gauche, un élément de division objectif entre-elles a été levé. Pour autant toutes les différences d’appréciation sur le Front de Gauche et sur le processus lui-même n’ont pas été réglées. Toutefois, cela a permis une accélération de la troisième étape.
Les deux premières réunions nationales « Tous ensemble » (appellation commune décidée au printemps 2012) de juillet et octobre 2012 avaient révélé des hésitations et des divergences, moins sur la conjoncture globale que sur la démarche de convergence à engager -nouvelle force politique ou simple courant d’idées interne au Front de Gauche.
Un pas en avant décisif a été franchi lors de la réunion nationale « Tous ensemble/Trait d’union » du 19 janvier dernier : le cap a été mis clairement sur le projet de construction d’une nouvelle force politique. Et ce projet a été confirmé par les débats de la dernière réunion nationale du 20 avril. On peut donc considérer qu’une quatrième étape a commencé en 2013.
Pour les Alternatifs, il s’agit d’une avancée importante par rapport à l’objectif affiché depuis plusieurs congrès de constitution d’une nouvelle force politique rouge/verte/violette combinée à notre inscription dans un cadre plus large d’alliance de la gauche de transformation sociale et écologique.
II. Questions sur le processus en cours
Pour autant, des questions demeurent posées, à un double niveau, celui de l’alliance large comme celui de la nouvelle force politique :
II/1 le Front de Gauche
Le Front de Gauche, s’il est un cadre majeur pour une alliance large, ne la constitue pas pour autant complètement : Il s’inscrit dans un processus européen, mais qui prend des formes différenciées.
En Allemagne, Die Linke est essentiellement structurée autour de courants sociaux-démocrates de gauche et post-communistes. En Grèce ou au Portugal coexistent des partis fortement identitaires se réclamant de la tradition communiste, et des forces alternatives à l’origine composites mais tendant à s’unifier, Syriza et le Bloco de Esquerda.
Le Front de Gauche français regroupe un plus large éventail de force, avec deux organisations majeures, le PCF et le PG, qui s’enracinent dans une histoire longue de la gauche française, ainsi que des courants se réclamant de l’écologie et de l’autogestion ou/et issus de la tradition marxiste révolutionnaire ou alter-communiste : nous agissons pour le rassemblement de ces courants.
Des questions se posent sur certaines limites que connaît le Front de Gauche actuellement : Tout d’abord, des limites demeurent dans son programme encore basé implicitement sur « L’Humain d’abord ». Ainsi, même si le contenu de ses derniers textes de références est globalement correct avec l’objectif de droits nouveaux des salarié-e-s dans les entreprises et de reprise de l’outil de travail par celles/ceux-ci, des questions clés sont sous-estimées ou restent encore en débat : sortie du nucléaire, refus des grands projets inutiles et imposés, importance de la RTT, de la précarisation ou encore de l’expérimentation autogestionnaire au-delà du monde du travail.
De même, des limites demeurent dans le fonctionnement d’un Front de Gauche encore trop cartellisé avec des difficultés à mettre en œuvre une véritable démarche citoyenne qui lui fasse passer un cap politique.
Enfin, si l’objectif du Front de Gauche de trouver des alliances du côté de nouveaux courants de gauche ou écologistes est juste, une partie de l’écologie et de la gauche radicale (NPA et libertaires notamment) restés à l’extérieur du Front de Gauche est peu prise en compte dans une perspective d’élargissement.
Nous visons donc à la fois :
– une progression politique d’ensemble, un élargissement et un enracinement social plus forts du Front de Gauche.
– la convergence en son sein des courants engagés dans le processus « Trait d’Union/Tous ensemble » pour construire une nouvelle force politique à part entière.
II/2 La nouvelle force
La nouvelle force politique n’est pas clairement identifiée par une partie des organisations comme une force de gauche alternative (notamment du côté de GU, où se poursuit le débat sur la perspective même d’une nouvelle force). Cette difficulté est réelle malgré la convergence affichée du social et de l’écologie, d’une même analyse globale et systémique du capitalisme -auquel un projet rouge à l’ancienne serait incapable de répondre-, et de la nécessité d’un fonctionnement ouvert, pluraliste et démocratique différent des partis traditionnels.
L’enjeu est majeur de ne pas construire cette nouvelle force autour d’une « culture dominante » ce qui ne répondrait pas aux tâches de l’heure. La radicalité et l’ouverture à la nouvelle culture politique représentée par l’altermondialisme ou leS Indigné-e-s sont indispensables à l’émergence d’une nouvelle force.
Une autre difficulté réside dans le fait que pour beaucoup d’organisations -mais pas pour les Alternatifs- le cadre du FdG apparaît comme l’unique lieu de polarisation à gauche du PS, ce qui tend à sous-estimer, au-delà de l’investissement dans le FdG, la nécessité d’une ouverture aussi à l’extérieur de ce périmètre en termes d’initiatives, de contacts et d’unité d’action la plus large.
Pour autant, l’aspect positif de l’étape en cours l’emporte, d’autant plus que la méthode de travail adoptée lors de la réunion nationale du 20 avril porte ses fruits : elle permet la mise en commun de textes des différentes organisations pour faire consensus autant que faire se peut, elle rend possible les travaux d’écriture collective par thèmes brassant l’apport de militant-e-s des diverses organisations et celui des animateurs et animatrices des mouvements sociaux et altermondialistes, ce à quoi nous tenons particulièrement.
III. Quel enjeu immédiat pour le processus de convergence ?
L’enjeu immédiat est la réussite du prochain rendez-vous : celui de la rencontre nationale du 15 juin à Paris. Le but n’est pas celui d’une nouvelle réunion nationale de type réunion de travail au format comparable (quelques dizaines de participant-e-s, en forte majorité de la région parisienne hormis la délégation des Alternatifs) à celui des précédentes réunions, mais d’une rencontre plus large de personnes représentatives du processus en cours.
Une coordination souple fonctionne d’ores-et-déjà à l’échelle nationale mais aussi dans une trentaine de départements dans lesquels se sont regroupé-e-s les membres et proches des diverses organisations existantes, et des militant-e-s sans appartenance politique. Ces expériences et ce qu’il se passe « en bas » constituent des éléments décisifs de la réussite et de l’ancrage du processus. Dans quelques départements, le regroupement a pris la dénomination de Gauche Alternative.
Réussir le rendez-vous du 15 juin, c’est précisément le préparer dès maintenant dans les régions et les départements avec le plus grand nombre, notamment sur la base des textes préparés depuis plusieurs semaines, et qui doivent contribuer à un large débat, pour que chacun-e de celles et de ceux qui se sentent partie prenante du processus puisse se l’approprier, en débattre à l’échelle locale, construire une orientation partagée, et participer à la rencontre nationale du 15 juin.
L’enjeu est clair : franchir un palier et ouvrir immédiatement et davantage encore le processus au-delà des organisations, même si celles-ci doivent pleinement jouer leur rôle.
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