Quelles mesures pour les femmes contre l’austérité ? par Christiane Marty (« Ce que ferait un gouvernement de gauche »)
Publié le jeudi, 21 mars 2013 dans Féminisme, Point de vue, Social
L’égalité entre les femmes et les hommes est en panne, alors que les inégalités sont à un niveau inacceptable. La crise et les politiques d’austérité ne font qu’aggraver les choses, dans ce domaine comme dans les autres. Elles augmentent de manière préoccupante la précarité de l’emploi, en particulier des femmes. La pauvreté laborieuse se développe, résultant du bas niveau du SMIC, de la faiblesse des salaires notamment dans les secteurs « féminins » et du temps partiel.
Aujourd’hui, 75 % des salariés à bas salaires sont des femmes (les mères seules avec enfants y sont surreprésentées). Près d’un quart des femmes salariées (et 8 % des hommes) touchent ainsi un bas salaire. Il y a urgence à augmenter le SMIC : toute personne salariée doit pouvoir vivre de son travail. Les femmes étant deux fois plus souvent au SMIC que les hommes, la hausse du SMIC est une mesure féministe, qui réduit aussitôt les inégalités de salaires entre les sexes.
La question du SMIC est un marqueur idéologique d’une politique de gauche. Pourtant le gouvernement a renoncé au coup de pouce promis par le candidat Hollande… Et il s’est même depuis rallié aux thèses libérales sur le coût trop élevé du travail !
Le temps partiel, féminin à 80 %, est une des causes importantes des inégalités professionnelles et de la précarité croissante de nombreuses femmes. Plus de 30 % des emplois à temps partiel sont imposés par les employeurs, pour qui il est très bénéfique. Il leur permet en effet de gagner en productivité en ajustant la présence des effectifs aux périodes de pointe sans les payer le reste du temps (par exemple, les caissières). Par contre, il a des conséquences très négatives pour les salarié-es en termes de salaires, de promotion, de formation et de retraite. Même la Commission européenne, qui l’a longtemps présenté comme répondant aux besoins des femmes, reconnaît aujourd’hui qu’un « emploi à temps complet est le meilleur rempart contre la pauvreté » ! Il est donc indispensable de limiter le recours au temps partiel. Il faut d’abord interdire aux employeurs d’embaucher à temps partiel (ce qui n’interdit nullement de l’accorder à un salarié qui en fait la demande). Tout-e salarié-e à temps partiel doit pouvoir passer à temps plein à sa demande.
À l’inverse des allègements de cotisation sociale qui ont favorisé le développement du temps partiel dans les années 1990, il faut instaurer une surcotisation sociale patronale sur ces emplois, équivalente à celle sur un temps plein, de manière à éliminer la pénalisation ultérieure sur la retraite (la pension de droit direct des femmes ne représente que 48% de celle des hommes). Cette mesure se justifie du fait des gains de productivité que l’employeur retire du temps partiel.
Dans 40% des cas, le temps partiel est pris pour s’occuper des enfants ou d’un proche. Les normes sociales dominantes font que ce sont les femmes qui renoncent à une activité professionnelle, ou se contentent d’un emploi à temps partiel, par manque de modes d’accueil pour les jeunes enfants et de services aux personnes dépendantes, ou du fait de leur coût trop élevé. Les besoins dans ces domaines sont très importants et les libéraux ont bien identifié les opportunités de profits.
À l’opposé de la marchandisation en cours qui génère de fortes inégalités, la réponse doit être la création d’un service public de la petite enfance et de la dépendance. Il faut affirmer un principe politique : il n’est plus acceptable que la collectivité se défausse sur les femmes, sur leur travail invisible et gratuit dans la famille, et à leurs dépens, de ce qui relève de la solidarité nationale. La création de ces services participe en outre des solutions de sortie de crise. Elle contribue à initier un cercle vertueux autour d’une relance d’activités visant la satisfaction des besoins sociaux qui, en supprimant les obstacles à l’emploi des femmes, favorise l’égalité entre les sexes et permet la création de nombreux emplois.
Ce ne sont que quelques exemples de ce qu’un gouvernement de gauche ferait. Cela suppose de rompre avec les politiques d’austérité, de s’engager dans un programme d’investissements pour répondre en priorité aux besoins sociaux, environnementaux et à l’égalité entre les sexes. Ce qui suppose une tout autre politique, sur les plans économique, fiscal et social.
Christiane Marty, membre de la Fondation Copernic et du conseil scientifique d’Attac.
(cet article a été publié dans l’Humanité du 8 mars)
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