On est en guerre (8)
Appel des Chats Teigneux
(depuis la Châtaigneraie, la Châtaigne, la Castagne, Premier Presidio, les Souches, le Kyste)Le 17 novembre, 40.000 personnes, très diverses et déterminées, se sont rassemblées sur la ZAD pour reconstruire. Un geste de riposte après un mois d’expulsion, de destruction et de résistance. Depuis, le mouvement n’a jamais cessé de s’amplifier.L’opération César, pour ce qui est de vider la zone de ses habitants, a échoué lamentablement. Nous sommes tristes de nos maisons détruites, de nos amis blessés, de nos camarades emprisonnés. La colère a rempli les bocages et nous n’avons jamais été aussi nombreux, la ZAD n’a jamais été aussi vivante. Malgré les tentatives de division, la réoccupation a engendré des complicités fortes et inédites, qui ne demandent qu’à s’intensifier. Un nouveau lieu est né.Dans ce nouveau lieu de réoccupation, des collectifs d’ici et d’ailleurs ont construit un village : une manufacture, une NO TAVerne, une salle commune, une cuisine collective, deux dortoirs, une infirmerie et un black-block sanitaire avec baignoire chauffante. En trois jours, tous ces bâtiments sont sortis de terre grâce à la joie d’être là tous ensemble, à se donner les moyens de la lutte dès maintenant et pour les temps à venir. Planter un clou participe du même mouvement que défendre une barricade, empêcher les arbres de la Forêt de Rohanne de tomber, être 8.000 devant une préfecture, saboter Vinci et le PS ou ravitailler en nourriture et en matériel.Après une semaine de vie et de construction, la Castagne a été occupée, pillée et saccagée par la flicaille. Mais on n’éteint pas un volcan à coup de Manitou. Ce soir, la Castagne est plus belle que jamais : 45 tracteurs enchaînés la défendent, plusieurs centaines de personnes se déchainent à renforcer des barricades, à reconstruire et ravitailler. La procédure d’expulsion a été précipitée pour ce terrain prêté par un paysan, il appartiendrait désormais à Vinci. Chaque retrait des flics, chaque recours juridique posé, c’est du temps de gagné pour organiser la vie et la défense des lieux. Nous en sommes là. Et, dès le 5 décembre, la démolition de la Châtaigne pourrait être permise.
De notre côté, nous avons une autre vision de ce qui se passe ici. Le terme sécession, utilisé pour rebaptiser les routes barricadées « secession road », prend un sens bien concret désormais. Tout ce que notre enfance a rêvé, que l’organisation de la société avait brisé ou entravé, se trouve ici ravivé. Quand le gouvernement a rasé des maisons, détruit des cabanes dans les arbres et des potagers, il a suscité une rage profonde, qui vient de loin. Briser un rêve et des racines est la plus grande injure, mais en même temps a été brisé le carcan qui nous paralysait. Depuis lors, les jeux de la vie sont à l’¦uvre dans la construction et la reconstruction des maisons et des barricades dont les formes s’inspirent de nos jeux d’enfants : pont-levi, check point, piège… avec tous les prolongements nécessités par le soulèvement en cours.
Malgré la violence et la peur, les moments de joie sont précieux et nombreux ; un duo de saxo et d’accordéon joue sur le toit de la salle de réunion, douceur ravageuse des symphonies pour danseuses et tronçonneuse. A chaque fois, c’est spontanément que les uns et les autres transportent les voliges, les tôles et les palettes. C’est comme si le travail n’existait plus. On ne se sent plus obligé de quoi que ce soit, c’est autre chose, d’une substance plus magique, qui nous rend notre souffle. Il est de coutume que l’argent ne fait pas force de loi entre les habitants. Aujourd’hui, dans un village aux allures de petite cité de chercheurs d’or, certains paysans et occupants discutent de collectiviser les terres. Ces nouveaux usages de la zone nous portent déjà au-delà de cette histoire d’aéroport. Nous voulons amplifier ce mouvement de sécession. L’occupation de la Châtaigneraie en est une base. Quand on dit « Tout est possible ! », croyez-le.
C’est pourquoi nous appelons à dix jours de résistance du 4 au 15 décembre à la Châtaigne. Pour amplifier nos rêves d’enfants, renforcer et défendre les lieux, imaginer ensemble comment continuer à habiter ce vaste territoire, reprenons les routes et les champs, les forêts et le bocage. Ensemble, empêchons la présence et la pression de la police.
Nous ne voulons plus les voir diriger nos déplacements, nos faits et gestes. Nous ne voulons plus être contrôlés. Soyons nombreux à les chasser, soyons nombreux à être indomptables, que Notre-Dame-des-Landes devienne leur calvaire. Nous savons aussi que la force des vendredi 23 et samedi 24 novembre tient à la réactivité des comités de soutien de toute la France. C’est pourquoi cette semaine de résistance doit aussi être l’occasion que partout aient lieu des actions d’occupation, de blocage, de sabotage, etc. On sait déjà qu’il ne s’agit plus de soutien.
Chaque geste est un moment de vie partagé entre ici et là. Que se répande l’esprit de la ZAD dans les métropoles. Ces dix jours de résistance se continueront les 15 et 16 décembre (rassemblement des comités et collectifs impliqués dans la lutte – voir l’appel sur le site zad.nadir.org). Ce sera l’occasion d’organiser les présences sur ce lieu. Nous appelons à venir avec des propositions. Des idées surgissent déjà : des moments d’ateliers (forge, vélo, radio, cartographie, menuiserie…), des semaines de chantier, des discussions thématiques, des rendez-vous réguliers rejoignables. D’ores et déjà, nous vous invitons à venir manger, cuisiner et discuter tous les midis.Étonnamment, envisageons la victoire et pensons à l’avenir sans l’aéroport.
Vinci et l’État veulent nous dégager, mais il ne sortira d’ici que la joie, la résistance et la révolte vécues ces dernières semaines pour déferler sur ce monde.
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