Contribution des Alternatifs aux Enquêtes publiques Loi sur l’eau – Aéroport du Grand Ouest et sa desserte
Vous trouverez ci-dessous la contribution des Alternatifs aux enquêtes publiques « Loi sur l’eau » relatives au » projet d’aéroport du Grand Ouest » et de ses dessertes. Cette contribution a été déposée mardi 7 août, dernier jour de l’enquête publique, par Bertrand Vrain, conseiller municipal de Nantes.
Contribution que les partisans du Projet autoroutier Castres-Toukouse seraient bien inspirés de lire attentivement avant de proférer leurs arguments. . .
Madame la présidente,
Par la présente, nous tenons à vous faire part des observations des Alternatifs sur les enquêtes publiques relatives à la Loi sur l’Eau concernant les dossiers sur l’aéroport de Notre Dame des Landes. Les Alternatifs sont un mouvement politique national qui veut porter haut les exigences de l’écologie politique et ils sont partie prenante depuis le début de la Coordination des associations et mouvements opposés à ce projet ; ils ont déposé une contribution lors de l’enquête publique de 2007.
Notre contribution porte sur des observations et propositions ; elle aborde les aspects suivants :
L’opportunité du temps de déroulement de l’enquête publique et son contexte
• Période choisie
• Contexte politique
• Contexte démocratique
• Les acteurs institutionnels
La méthodologie utilisée par le pétitionnaire
• Méthode dérogatoire
• Méthode réductrice
• Méthodes imprécises et lacunes
• Contradictions et pièges
Conclusions et demandes
L’opportunité du temps de déroulement de l’enquête publique et son contexte
Deux enquêtes relatives à la Loi sur l’Eau, pour le barreau routier et pour la zone aéroportuaire ne correspondent pas à la réalité d’un seul projet d’aéroport ; une seule enquête eut été préférable. Les Commissions Locales de l’Eau Estuaire et Vilaine n’ont d’ailleurs donné qu’un seul avis.
Période choisie
La période choisie pour ces enquêtes se situe pendant les vacances ; le prolongement de la durée reste une concession bien modeste aux demandes de débat démocratique pour un dossier si volumineux. De plus, le conseil municipal de chaque commune où a été déposé un dossier d’enquête est appelé à donner son avis, au plus tard, dans les quinze jours suivant la clôture du registre d’enquête. Cette procédure ne pourra donc pas être appliquée, en plein mois d’août. C’est une restriction objective à l’exercice démocratique, même si c’est légal. L’organisation même de l’enquête semble calquée sur les intérêts d’AGO et des promoteurs politiques du projet : arrêté d’ouverture d’enquête avant le 1er juin, permettant d’éviter l’application du décret du 29 décembre 2011 davantage contraignant pour le pétitionnaire.
Contexte politique
Normalement soucieux du bon déroulement des débats, aucun des promoteurs du projet n’a formulé de demande pour différer, ne serait-ce que d’un mois ou deux les enquêtes. Où était donc leurs intérêts ? Les responsables des partis politiques UMP et PS, unis pour promouvoir et réaliser ce nouvel aéroport, semblent davantage soucieux de la célérité du processus et de son aboutissement que des conditions de discussion, dans l’esprit des textes issus du Grenelle de l’Environnement ou de la Loi sur l’Eau.
Le déroulement des évènements passés montre qu’aucune inflexion dans les positions ne s’exprime face aux nouveaux éléments qui invalident l’utilité économique de ce projet. L’étude Coûts – Bénéfices du Cabinet CE Delft n’a pas été contestée jusqu’à présent, ni par les promoteurs du projet ni par un autre cabinet indépendant. Il est donc à craindre qu’une éventuelle étude indépendante sur la présente méthode utilisée pour les mesures compensatoires aboutisse à la même ignorance ou au même mépris de la part des collectivités et d’abord de l’Etat et de son gouvernement.
Il est également à craindre que l’avis de la commission d’enquête publique, quel qu’il soit et quelques soient ses réserves éventuelles, ne soit rangé dans le panier des avis consultatifs puisque, en dernier lieu, c’est le premier ministre qui dispose. Or sa position favorable au projet est largement connue. Et son aversion au débat de fond sur le sujet également.
Contexte démocratique
Nous constatons les mêmes attitudes à connotations hégémoniques de la part des responsables politiques présents dans les instances institutionnelles telles que les Commissions Locales de l’Eau caractérisées plus loin. Parallèlement au déroulement administratif du dossier, le fait même que des mares aient été creusées avant même que les commissaires enquêteurs aient rendu leurs avis montre le peu de cas que fait le concessionnaire AGO des conclusions à venir le la part de la commission d’enquête. Où est la logique des décisions ?
Les acteurs institutionnels
Les porteurs du projet font un travail de lobbying via les collectivités territoriales qu’ils dirigent tels le Conseil Régional des Pays de la Loire, Nantes-métropole ou le Conseil Général de Loire-Atlantique, ce dernier ayant même diffusé massivement un encart dans son journal de juin 2012, truffé de contre vérités. Et cette communication scandaleuse est payée par les femmes et les hommes de Loire-Atlantique.
La Chambre de Commerce et d’Industrie, partie prenante du groupement du concessionnaire, organise aussi les soutiens au projet en invitant les chefs d’entreprises membres de la CCI, à intervenir auprès de la commission d’enquête, via un projet de lettre type. L’intérêt particulier de la CCI semble ici se confondre avec l’intérêt général au nom duquel elle est censée agir.
Les membres des Commissions Locales de l’Eau ont été invités par les dirigeants du PS 44 à émettre un avis favorable avant même la tenue des débats au sein des commissions. Au sein de ces organismes, les services de l’État et les élu-e-s favorables au projet, dont les présidents ont suivi les mêmes consignes : un avis favorable doit être donné. Ainsi, la Commission Locale de l’Eau Estuaire, dans sa séance du 10 juillet 2012, a formulé un avis favorable, certes avec des réserves, alors que celles-ci semblaient majeures notamment sur la méthode dite « innovante » du pétitionnaire et les mesures compensatoires qui n’en sont pas. Même type d’avis favorable avec réserves a été émis par la Commissions Locales de l’Eau Vilaine. Paradoxalement, la communauté de commune d’Erdre et Gesvres, fortement impliquée et au coeur du projet, n’a pas été consultée.
La méthodologie utilisée par le pétitionnaire
Cette méthode, affichée comme innovante par le pétitionnaire qui fixe lui-même ses règles du jeu, est dérogatoire à la Loi sur l’Eau, réductrice dans la prise en compte des différentes réalités constitutives des zones humides, imprécise voire lacunaire et non validée scientifiquement.
Méthode dérogatoire
La compensation réglementaire à 200 % des superficies humides touchées est remplacée par des travaux de génie écologique et des mesures en faveur des espèces animales. Le concessionnaire affiche ainsi une soit disante « plus-value écologique ».
L’obligation de compensation des habitats et surfaces de zones humides se transforme en « mesures » qui ne sont que des modifications marginales des pratiques agricoles de type Mesures Agro Environnementales.
La compensation pour chaque milieu en tant que tel n’est pas assurée et le découpage des mesures compensatoires remet en cause les termes mêmes de la Loi sur l’eau. Exemple : un besoin compensatoire de 1000 ha de zones humides pourrait simplement consister en 500 ha en convertissant une culture, par exemple de céréales, en prairie de fauche alors même qu’aucune étude scientifique ne montre la relation avec les habitats impactés.
La notion de « plus-value fonctionnelle » auto affirmée par le concessionnaire et les « résultats positifs » affichés ne sont pas scientifiquement ou juridiquement fondés. Les coefficients associés sont, pour le moins, arbitraires. Rappelons que la législation demande une compensation habitat par habitat et espèces par espèces.
L’article 2 du règlement du SAGE Estuaire de la Loire, invoqué pour justifier le recours à la méthode dite « innovante », est un emprunt trompeur puisque cet article a été élaboré en prévision des projets portuaires pour lesquels la présence de l’eau est forcément constitutive. La règle commune est bien le principe du doublement des surfaces. De cette interprétation découle une situation pour le moins paradoxale. Les autres projets d’aménagement en cours sur ce territoire sont, eux, soumis à la règle de doublement des surfaces.
Le Ministère de l’Ecologie, du Développement Durable, des Transports et du Logement, dans une note du 19 juin 2012, précise bien qu’il s’agit de « s’attacher à éviter les impacts sur l’environnement, y compris au niveau des choix fondamentaux liés au projet … ». Eviter, réduire et compenser est bien la démarche qui aurait dû guider le projet, la destruction devant rester une exception. Or l’alternative à ce nouvel aéroport existe : c’est l’optimisation de l’actuel.
Méthode réductrice
La notion d’« unités de compensation » repose sur un principe d’équivalence fonctionnelle entre des enjeux de nature différente. Exemple : une surface d’habitat très favorable aux reptiles et aux oiseaux pourrait être remplacée par la conversion d’une culture de blé en une prairie extensive, avec des haies. Les fonctions compensées ne sont pas les mêmes : on ne remplace pas un bureau de Poste dans une agglomération par la création d’une route ou un besoin en pommes de terre par des plantations de salades !
Les mesures compensatoires doivent se réaliser sur des zones humides elles-mêmes et être concrètes, précises, fixées dans le temps et financées. Ce n’est pas le cas.
Bonnet d’âne de la méthode, les dites mesures compensatoires promises par le pétitionnaire ne pourraient être effectives qu’au bout d’un délai de 10 ans. L’exigence minimale doit être la réalisation opérationnelle des compensations avant les travaux de destruction comme le demande le SDAGE.
A l’évidence, une fois les dégâts écologiques réalisés sur la zone et la plateforme actuelle de Nantes-Atlantique supprimée, quelle instance publique, l’Etat et les Collectivités Territoriales serait à même d’imposer des réajustements : la menace de fermeture de la nouvelle infrastructure serait sans doute suffisante pour que, face à la multinationale VINCI, les collectivités fassent le dos rond… et paient.
Méthodes imprécises et lacunes
Là encore de multiples interrogations : les unités de compensation sont peu explicites et non justifiées, le choix des coefficients de compensation reste arbitraire et la définition précise des mesures compensatoires reste à venir.
Encore une fois, la méthode de compensation dite de la « plus-value écologique », la notion dite de « plus-value fonctionnelle » ne repose sur aucune base scientifique. Comment vérifier sa validité ?
D’autre part, comment comparer, du point de vue des phénomènes météorologiques, la zone d’étude du projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes, plateau très exposé aux phénomènes météorologiques parfois extrêmes, avec la situation actuelle à Nantes-Atlantique ? Utiliser la station de Bouguenais comme une station de référence pour Notre Dame des Landes fait fi des fortes différences climatiques entre le Nord et le Sud de la Loire.
L’utilisation de moyennes entre les données de Nantes-Atlantique, Saint-Nazaire Montoir et Rennes-Saint-Jacques ne correspond à rien compte tenu des différences de topographie et d’influences climatiques d’avec celles de la zone d’étude.
La seule prise en compte d’évènements climatiques de référence récents, en 2002 ou 2003, n’est pas suffisante en matière de pluviométrie ou de vents, car des phénomènes violents ont existé, en 1990 ou même en 2011, avec une occurrence occasionnelle mais des impacts élevés ; l’intégration des phénomènes climatiques doit s’opérer sur un temps long.
La prise en compte de ces phénomènes est importante : ils impacteraient la sécurité mais aussi l’exploitation de la plateforme. En plus, bien entendu, des conditions de vols, ils interviendraient sur la régularité du service et l’équilibre économique.
Les compensations portant sur des parcelles agricoles ne peuvent qu’avoir des impacts importants sur les productions elles mêmes or cet impact n’est pas évalué tant pour la nature des productions que pour le côté économique. La valeur de l’usage agricole n’est pas prise en compte. Ainsi, à la destruction totale ou partielle des 48 exploitations agricoles serait ajoutée une pénalité par la fourniture des surfaces nécessaires aux mesures compensatoires environnementales
Aux approximations concernant les études hydrauliques, s’ajoute le traitement des rejets des eaux qui serviraient à déverglacer les pistes ou les appareils.
Enfin, le système des unités de compensation ne permet pas d’intégrer la capacité épuratoire de ces zones humides.
Contradictions et pièges
Quelques contradictions complémentaires apparaissent en matière d’analyse hydraulique. Elles sont d’une grande importance compte tenu des enjeux d’inondations sur les deux bassins versants. Ainsi, la charge hydraulique à traiter est supérieure de près des 3/4 aux rejets mentionnés dans l’étude d’acceptabilité de la station d’épuration.
De plus, l’évapotranspiration potentielle des sols, conditionnée par les données température, direction et vitesse du vent, et les natures mêmes des sols, est évaluée sur des bases non adéquates. Or elle influe sur les débits hydrauliques tout comme les précipitations.
Tout semble fait pour minimiser l’impact des débits futurs ; les questions météorologiques et climatologiques ne sont pas traitées suffisamment compte tenu des enjeux de l’eau dans les zones humides.
La localisation des hypothétiques compensations n’étant pas définie, contrairement à ce qui est exigé dans le décret du 29 décembre 2011 auquel semble vouloir échapper le pétitionnaire, il est à craindre qu’elle soit contradictoire avec les projets déjà en cours dans des communes voisines ; cela pourrait être le cas concernant la Communauté de Communes d’Erdre et Gesvres qui a déjà des restaurations en cours sur l’Erdre.
La définition à posteriori des mesures compensatoires est en contradiction avec la capacité d’une évaluation globale du dossier et il n’y a aucune garantie du côté opérationnel des dites compensations.
Enfin, la procédure même du différé des mesures constitue un véritable piège inacceptable en démocratie : la construction de l’aéroport acquise, le concessionnaire serait en position de force et les collectivités devant le fait accompli.
Conclusions et demandes
Etabli dans la précipitation suscitée par une application difficile du décret du 29 décembre 2011 par le concessionnaire AGO-VINCI, qui aurait alors dû identifier précisément chaque compensation avec sa localisation, le document soumis à enquête publique est incomplet et, par bien des aspects, ambivalents.
Ce document laisse apparaître des flous ou des erreurs manifestes d’analyse en matière de données de base, notamment sur les plans climatologiques et hydrauliques.
Les propositions relatives aux mesures compensatoires, en dépit d’un habillage complexe et mettant en avant de soit disantes plus values écologiques, sous couvert d’une démarche affichée comme innovante, restent imprécises et surtout inadéquates pour assurer les compensations exigées par la loi sur l’eau, notamment vis-à-vis des différentes fonctionnalités présentes dans les surfaces humides détruites.
Ces mesures compensatoires restent non planifiées, sans évaluation financière et promettent d’être établies à posteriori, après la construction de la plateforme et la destruction des zones humides alors qu’elles devraient être opérationnelles avant les travaux.
Aucune étude d’impact concernant les activités agricoles n’est produite alors que les destructions de terres et du milieu sont susceptibles de plonger les paysans concernés et la profession dans des difficultés économiques significatives.
Déjà, à l’occasion du dossier d’enquête publique de 2007, étaient pointées les insuffisances en matière d’évaluation sur les mesures environnementales et la commission d’enquête faisait observer que le projet faisait payer un lourd tribu à l’environnement. Le dossier présenté ne lève pas ces ambiguïtés et en introduit d’autres au plan systémique des compensations.
En tout état de cause, nous demandons que les mesures restrictives des SAGE s’appliquent et ce sur chaque bassin versant. La compensation normale est de 200 % des zones détruites.
C’est pourquoi, Les Alternatifs demandent que soit sollicitée une expertise indépendante pour analyser le dossier présenté, et notamment la méthode dérogatoire proposée pour les compensations, avant tout avis ou autorisation susceptibles de précipiter le processus d’enquête.
Depuis 10 ans, réduit au minimum légal dans sa forme, le débat démocratique a été volontairement occulté par les porteurs politiques du projet. Les analyses contradictoires proposées sur le fond, notamment celle du cabinet CE-Delft, n’ont jamais été examinées ni critiquées de façon sérieuse. L’alternative de l’aménagement de la plateforme actuelle de Nantes-Atlantique a toujours été refusée sans discussion ni motivation alors qu’elle constitue sans doute le moindre mal environnemental.
Obligés de « contourner » à peu près tout ce qui est inscrit dans la loi, les porteurs de projet, continuent d’introduire plus de complexité dans les dossiers, de truquer les données de base pour que le projet passe quoi qu’il arrive.
Alors que tous les clignotants, économiques, en terme d’emplois détruits, industriels et de service au Sud Loire et agricoles en Nord Loire, en matière environnementale, sont au rouge, la machine avance et tente de passer en force. Le présent dossier sur l’eau en est une démonstration éclatante.
Dans un processus de cette ampleur, si beaucoup y perdent, il doit bien en avoir qui y gagnent. Reste à chercher les bénéficiaires.
La conclusion de l’enquête publique de 2007 mentionnait, que ce projet était un pari sur l’avenir. Ce pari se renforce de façon hasardeuse, non seulement au détriment des populations locales concernées directement mais aussi des citoyen-ne-s par les financements abondés déjà votés sans compter les autres qui ne manqueront pas d’être sollicités en dépit des assurances écrites alors que l’utilité même de ce nouvel aéroport n’est toujours pas démontrée.
Ce sont toutes les raisons pour lesquelles Les Alternatifs ne comprendraient pas qu’un avis positif soit prononcé sur ces dossiers.
Voilà, Madame la Présidente, les observations que nous versons au dossier d’enquête publique dont vous avez la lourde charge.
Soyez assurée, Madame, de nos respectueuses salutations.
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