Sale pute !
Paru dans le numéro 80 de Confluences.
Article extrait du dossier de 4 pages intitulé « Prostitution ? »
« Sale pute »,
presque un pléonasme …
Traiter une femme de « pute », c’est l’insulte suprême. Et, de manière générale, lorsqu’on est une pute, on en est une « sale ».
Moi aussi je dis « putes », « putains », « gigolos », ou encore « prostitué-e-s » dans une conversation polie.
« Travailleur-se-s du sexe », jamais. Car, dans le mot « pute », je ne vois rien d’injurieux. Même chose pour les vieux, les aveugles, les balayeurs, les caissières etc. Si on m’entend dire, ne serait-ce qu’une fois, « mal voyant » ou « technicien de surface », je jure devant le dieu des athées que mercredi soir, je me pointe à la messe ! Mais revenons à nos moutons.
Cette insulte est on ne peut plus révélatrice du mépris dont sont victimes les prostituées.
Non seulement on les méprise, mais elles nous dérangent : elles passent mal dans le décor. D’ailleurs, la loi Sarkozy de 2003 vise seulement à « balayer les trottoirs ». L’enjeu était la « sécurité intérieure », pas celle des prostitué-es. Quel malheur si mon fils croisait le regard d’une putain sur le perron de mon hôtel particulier …
Depuis les années 1970, avec l’influence de Grisélidis Réal, l’idée d’une prostitution pas forcément subie et devant être reconnue comme n’importe quel métier est très en vogue dans les milieux progressistes.
Au risque de paraître puritaine, je ne partage pas ce point de vue.
Bien sûr, je suis opposée à une simple interdiction de la prostitution : l’enjeu est toujours le libre choix.
Mais, de mon point de vue, certaines choses (un tas de choses en fait) doivent échapper au statut de marchandise. Le corps humain en fait partie.
La « tendance Grisélidis Réal » doit être mise en parallèle avec l’expansion du néo-libéralisme et la logique marchande qu’il impose peu à peu à l’ensemble de la société.
Que penser des personnes qui se prostituent de leur propre initiative ? Chacun doit être libre. Simplement, gardons bien en tête la différence entre « consentir » et « choisir ».
J’ai bien conscience que la prostitution ne peut pas disparaître du jour au lendemain. Tant qu’elle existe, il faut traiter avec.
Comment ?
Avant tout, luttons contre les réseaux qui réduisent des filles et des garçons précaires à l’esclavage. Ici, n’oublions pas la responsabilité du client. « Je ne savais pas qu’elle était mineure », un peu facile non ?
De plus, tout le monde doit accéder à un minimum (voire un maximum) de soins, de protection et de dignité. C’est ce que tente d’apporter aux prostitué-e-s la formidable association Grisélidis, à Toulouse. Grisélidis propose en plus d’un accueil dans son local, des suivis individuels, des accompagnements physiques, des distributions de matériel de prévention et de réduction des risques, une présence active sur des forum Internet et une permanence d’accueil virtuel via le web (www.griselidis.com).
C’est un bon début. L’objectif à atteindre restant la transformation de la société, pour que chacun ait une liberté de choix maximale et que personne ne soit laissé de côté.
Charlotte CHOUCH
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