Publié le
samedi, 21 novembre 2015 dans
No Pasaran !
Est-il encore besoin d’analyser le lien qui existe entre crise économique et sociale et montée du fascisme ? Apparemment oui !… L’évolution des évènements politiques et leurs échéances à court terme sont, dans ce domaine, on ne peut plus inquiétantes.
La montée du néofascisme, aujourd’hui, en France et de manière générale en Europe est un fait incontestable. Appelons-le néofascisme pour ne pas tomber dans l’erreur qui consisterait à plaquer sur la réalité contemporaine des schémas du siècle dernier.
QUELQUES RAPPELS UTILES
Le fascisme
C’est un mouvement politique qui naît dans une société en crise économique, morale et politique.
C’est un mouvement politique qui surfe sur les angoisses, les peurs, les fantasmes et qui affirme pouvoir apporter des solutions, là où toutes les organisations politiques traditionnelles ont échoué.
C’est un mouvement politique qui affabule – en créant par exemple des « boucs émissaires » chargés de tous les maux, mais ne remet absolument pas en question les fondements du système en cause et en crise.
C’est un mouvement qui fait dans le simplisme, propose des images, des slogans, martelés jusqu’à saturation et permettant de créer un monde mythique coupé de la réalité.
C’est finalement un mouvement qui sauvegarde les intérêts du système capitaliste en détruisant momentanément le tissu social et les acquis sociaux.
AU BORD DU GOUFFRE
La configuration économique, politique et morale dans laquelle nous sommes correspond aux prémices de la dérive néofasciste.
Economiquement : La situation est catastrophique : chômage, inégalités, liquidation du secteur public, attaque massive des acquis sociaux,… pas de perspectives d’amélioration.
Politiquement : Une classe politique incapable, complice des intérêts financiers et en partie corrompue, centrée sur elle-même, plus soucieuse de ses intérêts immédiats (réélection) que de l’intérêt général.
Moralement : Des citoyens/nes qui ont en grande partie perdu toute confiance dans leurs élus/es, qui voient les valeurs fondamentales de la société bafouées, directement – par les politiciens – et indirectement – par les conséquences collatérales des politiques menées.
Le sursaut citoyen qui peut exister, suite à de tragiques évènements (7 janvier -13 novembre), n’est pas suffisant pour ouvrir la voie à un changement politique et social radical. Le système politique est verrouillé par un système électoral qui permet à la médiocrité politicienne de se reproduire et enlève toute initiative concrète à l’action citoyenne.
Nous sommes dans une impasse. Toutes les aventures sont possibles.
LES PRÉMICES DU DRAME A VENIR
Pour celle ou celui qui s’en donne la peine, elles sont déjà dans notre passé depuis des décennies. Le néofascisme n’est pas une création spontanée. Il s’alimente peu à peu des choix politiques, des hésitations politiques, des trahisons des élus, de la corruption des politiciens véreux… Il crée son propre champ d’action en suscitant des peurs, des haines. Il s’alimente des dérives d’une société qui sacrifie ses valeurs, son école, l’éducation, les acquis sociaux, à la rentabilité et à l’argent. Prônant un repli identitaire en dressant les communautés les unes contre les autres (diviser pour régner) : hier les Juifs, aujourd’hui les Roms, les Musulmans… Il conquiert, par la démagogie et l’amalgame, une part de plus en plus importante de l’opinion publique…Processus classique, parfaitement observable au 20e siècle.
Le néofascisme, expert en opportunisme, sait jouer sur tous les tableaux. Dans une région anciennement ouvrière, frappée par la crise, il mâtine son nationalisme, d’une bonne dose de « socialisme », donnant ainsi l’impression de défendre des acquis sociaux. Par contre, dans une région plus conservatrice, il tient un discours beaucoup plus nationaliste, voire xénophobe et « libéral ». L’important pour lui est de « mettre le pied en travers de la porte » et de s’installer dans le système – qu’officiellement il déteste – pour le phagocyter. Dire ce que la population apeurée veut entendre, remplacer la conscience par l’obsession sécuritaire …. La face obscure de son projet global se cache derrière un discours offensif qui se veut réaliste, n’hésitant pas à dire aujourd’hui le contraire de ce qu’il disait hier.
Face à la médiocrité de la classe politique traditionnelle, ce type de discours peut parfaitement faire, et fait, illusion, et explique d’ailleurs la progression actuelle du néo fascisme. Le ver est dans le fruit et ne demande qu’à croître.
Les épouvantables évènements de janvier et de novembre font le lit du néofascisme, ajoutant la terreur à la crainte. L’affligeant spectacle d’une classe politique essayant d’exploiter sordidement l’évènement sur un plan politicien ne peut que semer le trouble sur ce qu’elle représente. Le néofascisme, lui, n’a même plus besoin de s’exprimer,… il attend que le fruit mûr tombe dans son panier. DAECH, de manière indirecte joue parfaitement son jeu. Une sorte de dialectique du pire se développe entre l’intégrisme islamiste et le néofascisme, l’un alimentant l’autre. Ils se retrouvent pour mettre la société civile en coupe réglée entre les mains des ennemis de la liberté – intégristes des deux camps, chacun chez soi.
Les politiciens au pouvoir ne savent pas comment traiter la question. Une réponse strictement policière aux drames que nous vivons est évidemment, non seulement inefficace à long terme, mais éminemment dangereuse. Le renforcement des restrictions des libertés publiques et individuelles alimente un arsenal répressif que les néofascistes sauront exploiter une fois arrivés au pouvoir. Là aussi les expériences du 20e siècle devraient nous faire réfléchir.
Le scénario est connu, les acteurs jouent leur rôle. Le problème est que les citoyens/nes qui se croient spectateurs deviennent tragiquement des figurants/victimes malgré eux et n’ont, contrairement aux néofascistes, aucun scénario en tête. Le jeu politique qu’on leur fait jouer est aujourd’hui obsolète, inefficace et dangereux. Ils peuvent même devenir les fossoyeurs de leur propre avenir en cédant aux sirènes de la démagogie ambiante.
Après le drame des attentats, attendons nous à vivre un drame politique si les néofascistes arrivent au pouvoir.
Patrick MIGNARD
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