Publié le
mercredi, 29 juillet 2015 dans
Agriculture
Mais de quoi se plaignent les agriculteurs, membres de la FNSEA, qui bloquent les routes, attaquent les établissements publics et saccagent les supermarchés – actions, par ailleurs, qu’ils sont les premiers à dénoncer quand ce sont les autres qui les commettent ?
Ce sont tout d’abord les survivants d’un système de développement agricole qui a divisé par dix le nombre d’actifs dans l’agriculture française depuis 1945. A ce titre ils peuvent se considérer comme des privilégiés.
Ce sont ensuite les représentants d’une organisation syndicale qui a été chef d’orchestre, avec les différents pouvoirs en place, de la mise en place du capitalisme agro-industriel actuel. La FNSEA a été, en effet, l’outil essentiel de l’élaboration de ce modèle de production qui est en train de décimer le monde paysan et d’empoisonner nos campagnes et les consommateurs. C’est tellement vrai que cette organisation a vu son président (1979-86) – François GUILLAUME – devenir ministre de l’agriculture (1986-88) de Jacques CHIRAC, chantre, s’il en est, du modèle agricole actuel.
Ce sont enfin les acteurs des mécanismes d’un système de production agricole fondé, comme l’a toujours défendu ce syndicat, sur la performance et la rentabilité à outrance,… n’hésitant pas pour cela à sacrifier le foncier rural, les paysages, la terre par l’emploi massif de tous les poisons qu’a pu inventer l’industrie chimique.
Répondant fidèlement aux partisans politiques du capitalisme agro-industriel, ils ont su – ou du moins l’organisation à laquelle ils appartiennent – jouer à la fois sur un libéralisme débridé confortant les forts, écrasant les faibles et un système de grasses subventions venant de l’Europe et très largement réparties de manière parfaitement inégalitaires.
La loi d’airain de la concurrence capitaliste a su, dans le domaine agricole, comme dans le domaine industriel, « récompenser » ceux qui savaient rentabiliser, concentrer, réduire les coûts et pratiquer des prix bas. Est ainsi née une organisation de la production agricole en Europe qui est loin d’avoir avantagé l’agriculture française. Mais qui a soutenu cette politique pendant toutes ces années ? Ceux-là mêmes qui aujourd’hui, en contradiction avec leurs convictions économiques et politiques, demandent une intervention des pouvoirs publics pour les soutenir. Comment être à la fois libéral sur le plan économique et demander une administration des prix ?
Qu’il y ait quelque chose de dramatique dans la faillite, la disparition d’exploitations agricoles, c’est une évidence, mais ce n’est certainement pas en cassant, brûlant, saccageant que l’on changera quoique ce soit. Ce n’est pas non plus en faisant confiance à une organisation responsable de ce chaos et qui se gave de subventions, que l’on fera les changements structurels qui s’imposent.
La morgue des dirigeants de la FNSEA, et de bon nombre de ses militants, à l’égard de celles et ceux qui, comme à la Confédération Paysanne, militent activement pour un modèle de production et de consommation plus humain et plus écologique, donne la mesure des dégâts provoqués par la pensée dominante chez certains esprits faibles plus enclins à la violence qu’à la réflexion.
Il est aujourd’hui évident que les changements structurels, en France, en Europe et dans le reste du monde passent par une relocalisation de la production et de la consommation. Le développement spontané et logique des circuits courts – meilleur moyen de court-circuiter la grande distribution – est la réponse intelligente aux drames provoqués par l’agriculture industrielle. Celles et ceux qui ne le comprennent pas vont disparaître.
Il est plus facile d’impressionner le bon peuple – qui dans sa majorité « comprend » les manifestants – en pratiquant la violence et en suscitant la pitié que de poser publiquement les vrais problèmes et de s’atteler aux véritables solutions.
27 juillet 2015 Patrick MIGNARD
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