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« A propos de vos éléments d’analyse critique du programme populaire et partagé du Front de Gauche » . Contribution de Pierre ZARKA

Publié le vendredi, 21 octobre 2011 dans Elections, Notre Projet
          Le texte de notre « analyse critique » du programme partagé et populaire  » du Front de Gauche, auquel répond Pierre ZARKA est ici :          

 
 
 

 
                          A propos de vos éléments d’analyse critique du programme du Front de Gauche .
 
 

Pierre Zarka

  
 

 

Chers camarades,
J’ai lu avec attention et intérêt votre texte.
 
Je dois dire que si je partage une bonne part de la trame et du contenu des remarques plus précises, je voudrais néanmoins vous faire part de mon analyse critique de la vôtre. Ceci non pas dans un esprit polémique mais au contraire dans le but de poursuivre un dialogue qui, jusqu’ici a été riche et stimulant.                                               
 

 

Pour préciser je suis intervenu au dernier CAN de la FASE pour appeler à ne pas nous fondre dans le Front de Gauche mais à recourir à notre présence pour pouvoir porter plus publiquement les éléments dont la FASE devrait être porteuse.
 
 
 

I. D’abord donc une remarque sur la trame : personnellement j’aurai plutôt commencé par la démocratie, dans la mesure où l’inégalité devant le pouvoir décide de toutes les autres inégalités. Et ce, sans séparer la démocratie politique de la démocratie économique. Je crois que pour vous comme pour l’ACU, la « démo-cratie » est l’exercice du pouvoir PAR le peuple. Dès lors, pouvoir sur l’institué et sur l’économique vont de paire. Et cela me conduit à deux premières remarques plus pointues. Je reprends l’ordre de votre texte :
1) La suppression de la fonction présidentielle : mille fois d’accord. L’interdiction de tout cumul de mandats, oui, sauf si l’on change la nature de l’Assemblée nationale. J’y reviens.
 
 

Et là vient d’abord une remarque concernant ce que vous faites du Sénat.
Je comprends le souci d’hisser les mouvements citoyens au niveau de l’institué. Mais pourquoi les mettre à part ? J’imagine bien qu’ils ne seraient pas membres de l’Assemblée. Mais pourquoi ne pas instituer un mandat impératif c’est-à-dire l’examen obligatoire de toute question entre députés et organisations concernées- y compris des coordinations lorsqu’il y en a- de façon à établir de fait des pouvoirs d’interventions et à ne pas transformer avec le temps, les représentants de ces associations en nouvelle couche d’institution ? Dès lors, les députés sont-ils élus directement comme aujourd’hui ou sont-ils l’émanation d’assemblées régionales ? Je n’ai pas un avis arrêté mais cela mérite réflexion si on souhaite que les institutions soient elles aussi de caractère fédératif.
 
 
 
 

 

               Je tire mon fil : la fameuse séparation du législatif et de l’exécutif n’est-elle pas un trompe l’œil ? Dans la vie, c’est toujours le petit collectif du point de vue du nombre, qui domine le plus gros collectif, du point de vue du nombre. Les ministères ne devraient-ils pas être les commissions de l’Assemblée nationale, sous la pression de l’intervention citoyenne, non pas APRES avoir agit, mais AVANT et PENDANT?
 
 
 

2) J’en viens à ce que vous appelez la démocratie économique et la « citoyenneté d’entreprise ». Elle pose la question fondamentale de qui maîtrise les leviers de l’économie. L’expérience soviétique et aussi française devrait conduire à travailler à la distinction entre étatisation et appropriation collective. La question de l’autogestion ne peut à mon sens, se limiter à un fractionnement d’interventions des salariés dans et sur leur entreprise. La production d’électricité par exemple, concerne évidemment les salariés d’EDF mais pas uniquement ; les différents usagers sont aussi concernés au premier chef. Comment articuler ces différentes sources de pouvoirs sur la production d’énergie ? Je ne sais pas bien mais cela devrait se travailler. Cette question implique une toute autre conception de la démocratie qui englobe entreprises et territoires. D’où la nécessité d’englober les entreprises mais pas de les isolés de la question démocratique.
II. Autre nature de question (encore que ce soit lié) : la lutte contre le chômage. Elle pose doublement la question du travail. D’accord pour réduire immédiatement la durée hebdomadaire du travail et les cadences. Mais, 6h30 par 4 jours ou dans un premier temps 5h sur 5 jours ? La productivité a explosé- et ce n’est pas dû seulement aux cadences même si elles y sont pour quelque chose. C’est aussi une conséquence des forces productives- et si la semaine de travail est de 4 jours,( et je suis persuadé qu’il faudra y venir :5x 4)cela peut poser la question d’équipes sur les trois autres jours ou sur les mêmes journées. La consommation n’est pas que celle d’objets : la santé, la culture, la formation, l’entretien des logements, les transports, la poste …ont besoin de temps de travail qui couvrent tous les moments d’utilisation.                                       
 
 
 

 

De même la durée des congés payés est à revoir (en hausse). A défaut d’avoir mieux réfléchi à ce que suppose une semaine de travail de 4 jours, je crois que dans un premier temps on pourrait en rester à 5h sur 5 jours.
 
 
 

Mais il y a, à mon avis, une autre dimension.
L’efficacité du travail dépend aussi de plus en plus de « compétences », comme dit le patronat, acquises hors travail. Aujourd’hui, elles traversent tous les modes d’exploitation mais ne sont pas reconnues. La formation tout au long de la vie, mais aussi un grand nombre de pratiques sociales déterminent la qualité du travail.
Pour un prof de lettres lire le dernier Goncourt, c’est un loisir ? Du travail ?
Christian Blanc alors PDG d’Air France avait reconnue (discrètement) que les pratiques syndicales jouaient sur la ténacité et l’esprit d’initiative au travail. Donc une question se pose : le salaire recouvre-t-il seulement le temps passé à l’entreprise ? (D’accord pour une hiérarchie de 1 à 6. Mais attention, il vaut mieux l’établir en Euros à cause du paradoxe suivant : plus le salaire minimum sera élevé et plus le différentiel avec le salaire maximum sera grand).Que fait-on du temps « hors entreprise » ? L’activité associative, l’aide aux devoirs par exemple, aux personnes âgées, peuvent demander du temps « hors entreprise ». Et ce sont des activités dont l’utilité sociale devrait être reconnue. Trop beau ? Mais que sont déjà les congés maternité, si ce n’est la société qui paie pour se reproduire ? ne faut-il pas proposer de faire des Etats généraux de l’activité afin d’effectuer un premier relevé de pratiques sociales que la société juge indispensable ? (Soit dit en passant, c’est ce qui a manqué lors du mouvement pour les retraites).
II. Pour finir (momentanément), une réflexion plus globale.
Personnellement, j’ai un fort doute à l’égard de la notion de programme. Il prétend au nom du concret, combler à l’avance le manque devant le besoin de réponses et de ce fait prive les individus de la participation à devoir combler eux-mêmes l’absence de réponses. Ce faisant, il fait faire l’économie de se mettre en mouvement. Et ce, de plusieurs manières aux effets très concrets. En dissociant ceux qui l’écrivent et ceux qui ne feront que le lire, il réduit de fait les citoyens à un rôle de consommateurs. D’où des expressions empruntées à ce registre : « l’offre politique ». Les électeurs choisissent, comme au salon de l’auto ou au marché. Ce terme « choisir » est un leitmotiv des campagnes électorales. Choisir parmi des produits finis implique qu’on ne construit pas. Le programme est par essence délégataire puisqu’il annonce ce que vont construire d’autres que soi-même. Cette médiation a une autre conséquence. Elle cloisonne les mesures. Le côté «catalogue» de tout programme peut, par le fractionnement de ses propositions, favoriser le fractionnement de la lecture suivant l’intérêt porté à telle ou telle mesure. Il n’incite pas à une construction commune. Il peut même rendre impuissant face au développement d’une culture de division parmi les dominés : les fonctionnaires y cherchent ce qui les intéresse, et ceux qui croient que les fonctionnaires sont des profiteurs n’y trouvent pas spontanément de quoi les détromper. Même élaboré en public, le programme garderait sa dangerosité. Des mesures ô combien nécessaires mais dissociées entre elles ne dessinent aucune cohérence. Et, «last but not least », les soucis d’être concret et exhaustif porté à l’excès se substituent le plus souvent à la remise en cause globale du système actuel. Or, s’il n’y a pas un au-delà du capitalisme, s’il n’y a pas de ligne de fuite, il n’y a pas de sens et il n’y a pas de vision de la société. Que reste-t-il du désir ? Que reste-t-il comme projection vers de l’inconnu ? Que devient l’esprit de l’universalisme qui caractérise la réalisation de l’humanité par elle-même comme disait Jaurès ? Il ne s’agit pas de renoncer à des propositions précises, mais d’en faire des éléments d’illustrations des questions posées par le fonctionnement de la société. Etre devant cet espace laissé vacant encourage à sortir de soi, à dépasser le périmètre de ses pratiques quotidiennes pour se situer dans un ensemble immense et complexe qui s’appelle la société.                                              
 

 

 

Je pense comme vous, que « le programme populaire et partagé prend peu en compte l’approfondissement de la crise systémique ». D’où mes remarques concernant la démocratie et la maîtrise de l’économie. Vous y faîtes d’ailleurs allusion à propos de l’Amérique du Sud ou des mouvements des Indignés. Mais cela pose une autre question sur laquelle il me semble que les uns et les autres, nous sommes pauvres : la mondialité. Or, plus nous serons sur « mouvement » et plus nous serons sur convergence entre les peuples au lieu de se débattre uniquement- je ne dis pas qu’il ne faut pas le faire- entre structures instituées.
 
 
 

Voilà chers camarades, ma réaction à la lecture de vos remarques.
Voilà me semble-t-il une discussion à poursuivre-peut-être en élargissant l’éventail de ses participants.
Bien à vous.
 
Pierre Zarka.
 

  

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