Pour le droit de vivre, avec ou sans emploi (tribune libre LIBERATION)
Publié le mercredi, 13 mars 2013 dans Point de vue
Il est temps de repenser le droit de vivre, avec ou sans emploi, d’ouvrir grands les yeux sur la catastrophe humanitaire qui sévit en ce moment même autour de nous, d’écouter la souffrance, le désespoir et les revendications légitimes des innombrables exclus qui n’en peuvent plus.
Djamal Chaar, ce chômeur immolé devant son agence Pôle emploi à Nantes, n’est ni le premier[1], ni le dernier[2]. Djamal s’était vu réclamer un « trop-perçu », soit des allocations de chômage versées par erreur alors qu’il avait retravaillé quelque temps comme intérimaire, cumulant ainsi de maigres allocations et un bout d’emploi précaire. Or, il estimait que ses heures de travail lui ouvrant des droits au chômage n’avaient pas été toutes prises en compte, mais il ne parvenait pas à faire réétudier son dossier par les agents de Pôle emploi, eux-mêmes débordés et soumis à une pression croissante à la rentabilité.
Pôle emploi procède à plus de 500 000 radiations par an, dont 90 % sont dues à une absence à convocation, la plupart du temps non reçue ou envoyée par Internet à des chômeurs ne disposant pas d’équipement informatique.
Combien d’hommes et de femmes, chômeurs ou travailleurs, devront-ils mourir pour que soit enfin entendu le refus de vivre dans l’indignité et dans la négation de leurs droits humains, sociaux et démocratiques ?
Pour que les « fins-de-droits » ne conduisent plus à des fins de vies, exigeons la fin des trop-perçus et des radiations iniques. Exigeons également le respect des principes fondamentaux du droit national et international inscrits dans le Préambule de la Constitution française et la Charte des Droits Fondamentaux de l’Union Européenne, qui reconnaissent à chacun le droit à une activité, un travail ou une formation librement choisis, et le droit à des moyens d’existence convenables. C’est-à-dire la garantie d’un revenu décent pour tous, avec ou sans emploi.
Miguel BENASAYAG, Saïd BOUAMAMA, Paul BOUFFARTIGUE, Noëlle BURGI, Rada IVEKOVIC, Raoul Marc JENNAR, Bernard LANGLOIS, Fabienne MESSICA, Edgar MORIN, Evelyne PERRIN, Josep RAFANEL, Jacques RANCIÈRE, Vicky SKOUMBI, Yannis YOULOUNTAS
[1] Déjà plusieurs suicides de chômeurs en 2012, notamment à Dieppe et devant la CAF de Mantes-la-Jolie.
[2] Quatre tentatives ont suivi, dont celle d’un autre chômeur à Saint-Ouen le 15 février, gravement brûlé, et un autre à Bois-Colombes le 6 mars 2013.
Cette tribune est parue dans la page Rebonds du quotidien Libération du 12 mars
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