Que 1000 « ROTISSERIES » fleurissent !
Publié le vendredi, 12 octobre 2012 dans Notre Projet, POLEMIQUE-s, Rouge et Vert
La Rôtisserie est morte, assassinée
Lundi 8 octobre 2012 la Rôtisserie Sainte-Marthe, le restaurant aux trois A (Alternatif, Autogéré et Associatif) a cessé d’exister après 15 ans d’activité continue. La décision, avait été prise en Assemblée Générale Extraordinaire en Mai dernier. Elle n’avait pas été rendue publique pour ne pas compliquer les négociations entamées par l’association. Ce lundi 8, sous le crachin d’un matin gris, nous avons remis les clefs de l’ancien restaurant.
La Rôtisserie est morte et ce n’est pas un suicide : elle a été assassinée.
Nous revenons sur les raisons de cette fin d’activité non pas parce que le crime ne devrait pas rester impuni – pour régler des comptes etc…- mais pour que les raisons de la fin de la Rôtisserie soient connues de tou-tes. Pour les voisin-es qui l’ont soutenue, pour les associations qui y participaient et pour que de futurs projets bénéficient de notre expérience.
Plusieurs crocs-en-jambe nous ont fait trébucher…
Nous avons chu face à la justice.
Cette justice qui n’a pas jugé les pratiques du spéculateur immobilier qui s’est arrangé avec la réalité, avec le droit et avec la loi pour acquérir le lieu. Une justice qui n’a pas évalué le préjudice pour des associations privées de cette source de financement. Qui n’a pas évoqué une seule fois, en 7 ans de procédure, l’avenir des 7 salariés de la Rôtisserie ; Qui ne s’est à aucun moment demandé si c’était moral, juste, éthique. Une justice qui s’est employée à garantir le caractère sacré de la propriété privée. Bref une justice politique, une justice de classe.
Une justice qui ne nous a pas donné justice et qui nous a en plus plombés financièrement.La gentrification du voisinage aussi nous a fait trébucher.
La Rôtisserie était le fruit d’un quartier vivant, atypique, populaire, artistique et métissé. Elle a été pendant un temps une des âmes de ce quartier. Mais la ville change, le bas-belleville aussi et la Rôtisserie n’était plus en phase avec les nouveaux saint-marthois-es : plus blanc-hes que basané-es, plus Bonobo (BOurgeois NOn BOhème) que bobos, plus « créateurs de sens » qu’artisan-e, plus soucieux de faire fructifier leurs mètres carrés achetés au prix de la place de la République que de lutter contre la gentrification du quartier.
Et les croche-pieds d’une poignée de voisins
Ainsi de ces voisin-es de la Rôtisserie, en guerre avec elle depuis leur arrivée, nous faisant la misère pour une poubelle sortie trop tôt ou trop tard, pour une fenêtre trop ceci et des toilettes trop cela. Six charmant-es voisin-es qui ont pétitionné auprès du maire pour se plaindre des « éclats de voix, des rires et des bruits de vaisselle ». Car il y avait dans notre restaurant des rires et des bruits de vaisselle. Il fallait donc agir. Pas seulement écrire au maire, mais aussi au commissariat, à l’hygiène, à la préfecture, à la partie adverse de notre procédure en justice… Quel dommage que la Kommandantur ne reçoive plus de courrier ! 6 misérables pétitionnaires, tout content-es d’aller pousser la chansonnette dans de petits restaurants du coin, de griller leurs sardines dans la cour ou de savourer leur café en terrasse mais qui ne supportent pas l’idée que cette rue soit encore un espace public où la vie peut s’immiscer, même la vie des autres. Leur but n’était pas que nous aménagions le lieu pour qu’il leur sied mieux – nous n’avons pas cessé de le faire ces dernières années – ni que la Rôtisserie migre, mais qu’elle meurt. Ces 6 délateurs-rices peuvent être heureux-ses : leur travail de sape nous a démontré qu’il n’y avait plus de raison de batailler pour rester coûte que coûte dans ce quartier, que le voisinage ne nous méritait pas. Ils pourront demain pétitionner contre le restaurant suivant, contre la présence de jeunes dans le quartier, pour obtenir des grilles aux extrémités de la rue et, le temps d’une fête de quartier (s’ils tolèrent encore de tels désordres) ces taxidermistes du Paris populaire se diront désolé-es de voir leur quartier changer ainsi, lui qui était si vivant, si sympathique et bla bla bla. Ils pourront même évoquer la Rôtisserie, quand c’était bien, avant. Avant qu’ils ne passent toutes leurs nuits à calculer leur plus-value immobilière, à guetter l’instant propice au coup de téléphone au commissariat pour la moindre suspicion de tapage nocturne.
Et les croche-pieds d’une poignée de voisins
Ainsi de ces voisin-es de la Rôtisserie, en guerre avec elle depuis leur arrivée, nous faisant la misère pour une poubelle sortie trop tôt ou trop tard, pour une fenêtre trop ceci et des toilettes trop cela. Six charmant-es voisin-es qui ont pétitionné auprès du maire pour se plaindre des « éclats de voix, des rires et des bruits de vaisselle ». Car il y avait dans notre restaurant des rires et des bruits de vaisselle. Il fallait donc agir. Pas seulement écrire au maire, mais aussi au commissariat, à l’hygiène, à la préfecture, à la partie adverse de notre procédure en justice… Quel dommage que la Kommandantur ne reçoive plus de courrier ! 6 misérables pétitionnaires, tout content-es d’aller pousser la chansonnette dans de petits restaurants du coin, de griller leurs sardines dans la cour ou de savourer leur café en terrasse mais qui ne supportent pas l’idée que cette rue soit encore un espace public où la vie peut s’immiscer, même la vie des autres. Leur but n’était pas que nous aménagions le lieu pour qu’il leur sied mieux – nous n’avons pas cessé de le faire ces dernières années – ni que la Rôtisserie migre, mais qu’elle meurt. Ces 6 délateurs-rices peuvent être heureux-ses : leur travail de sape nous a démontré qu’il n’y avait plus de raison de batailler pour rester coûte que coûte dans ce quartier, que le voisinage ne nous méritait pas. Ils pourront demain pétitionner contre le restaurant suivant, contre la présence de jeunes dans le quartier, pour obtenir des grilles aux extrémités de la rue et, le temps d’une fête de quartier (s’ils tolèrent encore de tels désordres) ces taxidermistes du Paris populaire se diront désolé-es de voir leur quartier changer ainsi, lui qui était si vivant, si sympathique et bla bla bla. Ils pourront même évoquer la Rôtisserie, quand c’était bien, avant. Avant qu’ils ne passent toutes leurs nuits à calculer leur plus-value immobilière, à guetter l’instant propice au coup de téléphone au commissariat pour la moindre suspicion de tapage nocturne.
Nos auto-croque-en-jambes aussi
Et puis il y a aussi nos soucis internes qui nous ont usés. La poignée d’associations laissant le lieu comme une porcherie ou ne payant pas leur participation alors que les frais d’avocats, d’avoués et de huissiers nous mettaient à genoux. Merci à l’appel de la Foret, à SOS racisme, la Bibliothèque Libertad et d’autres qui se reconnaîtront…….pour leurs petites escroqueries.
Il y a le trop peu d’associations disponibles quand il nous fallait des bras, du soutien. Même si nous étions nombreux à répondre présents, ces absences racontaient aussi qu’une partie des associations voyaient la Rôtisserie comme un tiroir-caisse sans s’attacher au projet collectif associatif, alternatif et d’autogestion.
Il y a eu aussi le durcissement du marché du travail et de l’accès aux emplois aidés qui a poussé, ces dernières années des personnes à venir bosser à la Rôtisserie pour remplir leur gamelle sans le moindre intérêt pour notre fonctionnement en autonomie. Or on ne peut pas imposer l’autogestion. Et l’équilibre qui faisait le fonctionnement en autonomie des salariés le midi s’en est trouvé ébranlé. La menace permanente d’une expulsion immédiate nous a empêché de garantir à ces salariés qu’au moins, le temps de leur contrat, ils auraient la paix, un boulot et un salaire.
Ces coups nous ont affaiblis, fragilisés et la justice nous a achevé.
Pourtant, la Rôtisserie a existé
Mais ce qui meurt, ce n’est pas un avorton de projet ambitieux, une idée géniale restée sous forme d’ébauche, c’est une réalisation concrète, une aventure dont nous sommes fier-es.
En premier lieu nous sommes fier-es d’avoir résisté pendant 5 ans à cette expulsion imminente, fier-es de la couverture de notre lutte dans les médias alternatifs et les réseaux militants, de la mobilisation, de la solidarité qui s’est exprimée dans le tissu associatif et politique. Fier-es de nos manifs de soutiens, de notre large pétition, de l’occupation permanente jour et nuit que nous avons réussi à tenir, de la remise sur pied en 48h de la Rôtisserie après l’incendie criminel dont elle avait été victime.
Pendant 15 ans nous avons fait vivre ce projet.
Nous avons été ouverts tous les jours. Nous avons servis des plats frais aux prix les plus bas, sans subvention ni entourloupe. Nous avons été une cantine de quartier, ouverte, accueillante pour tout le monde sans exclusive, ne faisant payer que celles et ceux qui pouvaient payer.
Nous avons permis à des dizaines de personnes de gagner leur vie en s’organisant tel qu’elles l’entendaient pour faire tourner la Rôtisserie le midi, sans les contrôler, sans garde-chiourme ni pointeuses. Et ça a marché la plupart du temps. Pour nombre d’entre elles-eux ; le passage à la Rôtisserie a aussi été l’occasion de se former, de desserrer l’étau social, de reprendre leur marque.
Le soir, ce sont plusieurs centaines d’associations qui ont pu lever des fonds pour leurs projets. Ces dernières années, le budget de fonctionnement de la Rôtisserie tournait autour de 150 000 euros annuels et dégageait le même montant de bénéfices pour ses associations.
Et nous sommes fier-es des projets qui ont été soutenus et parfois même qui n’ont pu voir le jour que grâce à la Rôtisserie.
S’y sont croisés des associations, collectifs, syndicats, organisations politiques qui n’avaient à priori rien en commun. De scouts aux autonomes, de travailleurs sociaux à l’équipe du Belleville United …
Fier-es des projets montés dans l’urgence que les règles administratives auraient empêchés ailleurs : des fonds levés pour Haïti moins d’une semaine après le tremblement de terre ou de l’argent pour les salariés de Mac Do en grève dès que les caisses de grève se sont retrouvées vides.
Il y a les maquettes de disques, les salles de répètes, les flyers de spectacles, les frais d’avocats, les nouveaux pots d’échappements qui ont été financés par un repas.
Il y a les spectacles qui se sont construits de soirées en soirées. Il y a ce bout de terrain arraché aux grandes propriétés agricoles guatémaltèques de la côte pacifique où les ouvriers agricoles ont pu faire leurs premières réunions syndicales en sécurité. Il y a eu ces potagers scolaires au Niger pour pousser les enfants à venir à l’école puisqu’on pouvait y manger ; il y a cette clinique de planning familial non discriminatoire au Tamil Nadu, ce cinéma itinérant au Bénin et la solidarité avec les indiens insurgés du Chiapas. Il y en a des centaines d’autres. Des projets culturels, sociaux et politiques que la Rôtisserie a soutenus. Voilà notre fierté.
C’est aussi un fonctionnement interne transparent et collégial que nous assumons et revendiquons. Toutes les instances de la Rôtisserie ont toujours été ouvertes à toutes les associations. Toutes les décisions importantes ont toujours été prises en assemblée générale, presque toujours au consensus.
Et nous sommes fier-es des projets qui ont été soutenus et parfois même qui n’ont pu voir le jour que grâce à la Rôtisserie.
S’y sont croisés des associations, collectifs, syndicats, organisations politiques qui n’avaient à priori rien en commun. De scouts aux autonomes, de travailleurs sociaux à l’équipe du Belleville United …
Fier-es des projets montés dans l’urgence que les règles administratives auraient empêchés ailleurs : des fonds levés pour Haïti moins d’une semaine après le tremblement de terre ou de l’argent pour les salariés de Mac Do en grève dès que les caisses de grève se sont retrouvées vides.
Il y a les spectacles qui se sont construits de soirées en soirées. Il y a ce bout de terrain arraché aux grandes propriétés agricoles guatémaltèques de la côte pacifique où les ouvriers agricoles ont pu faire leurs premières réunions syndicales en sécurité. Il y a eu ces potagers scolaires au Niger pour pousser les enfants à venir à l’école puisqu’on pouvait y manger ; il y a cette clinique de planning familial non discriminatoire au Tamil Nadu, ce cinéma itinérant au Bénin et la solidarité avec les indiens insurgés du Chiapas. Il y en a des centaines d’autres. Des projets culturels, sociaux et politiques que la Rôtisserie a soutenus. Voilà notre fierté.
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