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Putain de gauchiste !

Publié le lundi, 1 janvier 2007 dans Articles, Confluences 81

Paru dans le numero 64 de Confluences.

« Le monde appartient à ceux qui ont des ouvriers qui se lèvent tôt. » Voilà une petite phrase chapardée au fil d’un discours qui m’a beaucoup amusé. Merde alors ! Si j’avais su, j’aurais payé ma cotisation au Medef… J’aurais pu intégrer les milieux bien-pensant de l’économie fatalement mondialisée, évoluer d’une soirée gala à un déjeuner d’affaires avec quelques politiciens bon chic bon genre. J’aurais pu boursicoter, m’intéresser aux cours d’EDF, et blablater intelligemment dans des salons mondains du duel Royal-Sarkozy. C’est bien connu : il n’y a bien que dans les salons mondains où parlent des gens intelligents, grands savants du devenir de la race humaine. « Ce n’est pas la rue qui gouverne ! », clamait l’autre. Ce n’est pas non plus la rue qui réfléchit. Le contraire se saurait, voyons !

Alors c’est ELLE. Tous les journaux ne parlent que d’ELLE. ELLE, et encore ELLE. Les écrans de télé sont restés bloqués sur la grande dame du Poitou, la Pimprenelle, la Madone, la Zapatera… Vous l’appellerez comme vous voudrez. ELLE, elle fait la belle. Se balade, papillonne, rend visite, rencontre beaucoup d’intégristes de tout poil. D’abord, les croisés contre l’Axe du Mal et leur super héros texan. Puis, les UV devenant chers, l’amie Ségo a décidé de s’offrir quelques vacances au Moyen-Orient, s’est trompée de route et a finalement apprécié l’ombre du Grand Mur que l’on construit contre la racaille palestinienne. On en entend tellement parler qu’on croit tout connaître d’ELLE, jusqu’aux sous-vêtements coquins qu’elle ne porte bien sûr qu’en présence de François, son p’tit chou. On aurait presque l’impression qu’elle est déjà la Première Dame de France si le roquet d’en face ne cessait d’aboyer. Et d’aiguiser ses crocs sur un costard trop grand pour lui. Ségo, elle au moins, choisit des tailleurs près du corps. A la fois stricts et décontractés, modernes et de bonne famille.

Ce n’est pas nouveau. Le tapage médiatique de ces dernières semaines favorise un bipartisme à l’américaine, témoin incontesté d’un processus démocratique. Incontesté, vous êtes sûr ? Le troisième homme (ou la troisième femme, qui sait ?) ne voit pas les choses du même œil. Le borgne, lui, ne rêve que d’un nouveau 21 Avril. Côté chiraquien, ça fume dans les cerveaux. On se demande quelle particule pourrait faire barrage à ce vilain néolibéral de Sarko qui bave déjà sur le trône du patriarche. A trop réfléchir, les protagonistes en oublient d’être intelligents. Ainsi, pour Azouz Begag, il faut voter Villepin même si celui-ci n’est pas candidat ! T’inquiète, Azouz ! On va tout t’expliquer… Et quand Douste-Blazy, ministre du parleur qui n’a rien à dire, commente la victoire des démocrates américains, ça vaut aussi son quart d’heure : « Si l’opposition gagne, c’est que le pouvoir est mis en cause. » Tu l’as dit, Bouffi !

Revenons-en à nos noirs moutons. La gauche antilibérale planche, elle aussi, sur un programme. Forte du non au traité constitutionnel européen, elle appelle à un rassemblement en demi teinte. Les collectifs s’écharpent sur le choix du candidat-e. José parti, Marie-Georges s’enflamme. Et les vieux réflexes partidaires reprennent le dessus hantant les fervents espoirs d’un électorat en quête d’une véritable gauche. Il y a dans l’air comme un soupçon d’arnaque, de coup pour rien… Certains militants tarnais ont d’ailleurs senti le vent tourner. Fiers représentants de la dynamique antilibérale dans notre département, ils ont pensé plus sage de rentrer au bercail socialiste et d’œuvrer à la campagne de la camarade Ségolène. Opportunistes, vous avez dit ?

Tiens, ça me rappelle un écolo déjanté qui me traitait de populiste, de méchant gauchiste quand je lui vantais les mérites de la démocratie participative. Madame Royal a, depuis, fait du concept un de ces chevaux de bataille. Et l’illuminé qui me prenait pour un fou est devenu un de ses lieutenants… C’est ma faute après tout. J’aurais dû savoir qu’il y a des thèmes à la mode. Et d’autres non. Tout est une question d’années, de saisons peut-être. Hier, la sécurité tenait le haut du pavé, alimentant la psychose collective. Aujourd’hui, la couleur est au vert, aux pâquerettes et aux petits oiseaux. Telle une révélation, tous les présidentiables se sont subitement réveillés avec une âme de profond écologiste. Des éoliennes par ci, mais des EPR par là. Un vice-président au développement durable et à l’environnement. Des vélos au centre des villes mais des 4×4 pour aller à la montagne. Le réchauffement climatique ? Désolé, Kyoto est déjà signé, il faudra revenir en 2015…

Mais ne soyons pas trop alarmistes. Le frère Hulot est bien gentil mais il sape le moral des troupes. Ses amis de toujours, Jacques et Bernadette, le boudent depuis quelques temps et lui préfèrent la compagnie du brillant Johnny. Le petit Nicolas de Neuilly a pris goût à la ganja de l’iconoclaste Doc Gynéco et à la gomine républicaine du rebeu chanteur de raï. C’est ce qu’on appelle l’espoir paraît-il ! Le renouveau. Certains parlent même de révolution (tranquille, faut pas abuser !). Dans ce cas, tant pis. Le Medef m’attendra encore un peu. Je vais rester révolutionnaire puisqu’il le faut, et plus que jamais fier d’être un… putain de gauchiste !

Gabriel MAFFRE

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