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Revenu Minimum et Contrôle Social

Publié le lundi, 6 juin 2011 dans Gauche de combat, Les Alters dans les luttes, Notre Projet

Pour contribuer au débat et continuer notre réflexion sur ce sujet, nous publions ci-dessous un autre texte de Jean Louis LE BOURHIS. 

 Ces textes lancent plus des pistes pour un échange et une réflexion collective qu’ils apportent de réponses « clés en main » (ce à quoi ils ne prétendent aucunement, par ailleurs ! ).

 

REVENU MINIMUM ET CONTROLE SOCIAL

Une fois introduit la réflexion globale sur le revenu minimum, (cf « Le revenu, parlons en ! »in Rouge et Vert n°213), rentrons dans le vif du sujet et  examinons les enjeux. Parmi ceux-ci j’aborderai plus particulièrement la question du contrôle social, dont nous verrons qu’elle introduit un partage entre plusieurs conceptions.

En premier lieu, il faut affirmer qu‘avec ou sans revenu minimum, allocation universelle …etc,  le contrôle social continuera.

En société les droits entrainent des devoirs et l’idée, parfois entendue, qu’on nous paierait à être créatifs, relève de l’éléphant rose. Imagine t on que des couillons produiront des richesses pour que d’autres soient « créatifs »?

Aujourd’hui, toute la politique déployée envers les chômeurs se fonde sur le contrôle social: obligation, parfois humiliante, de prouver qu’on cherche du travail et stigmatisation des « penchants à la fainéantise » inhérente au chômeur. Cette dernière technique vise, nous le savons, à détourner sur des boucs émissaires la colère contre le coût de la vie, les inégalités trop flagrantes ….etc.

Nous pouvons penser qu’avec le revenu minimum garanti le contrôle social sera plus soft puisque

au pire, le choix aura été de permettre à des inemployables de survivre et donc d’abandonner la pression pour le retour à l’emploi,

au mieux parce qu’il sera l’aboutissement d’un débat de société, avec ce que cela signifie de consensus social.

Néanmoins la première hypothèse est lourde de sous entendus. Cette absence de contrôle social tient à condition que les dirigeants du pays y  trouvent intérêt et  tant que le mode de vie n’est pas gravement remis en cause.

Enfin, gageons que, pour les bénéficiaires, il vaudra mieux faire profil bas dans le cas où ils parviendraient à garder une insertion sociale. Une telle solution existe déjà  aux Pays Bas et certaines conceptions d’un revenu minimum cachent mal la volonté de régler le problème en le rendant invisible. Soyons conscients que de tels travers  peuvent être bien intentionnés mais soumis à la dictature de l’urgence.

En conséquence le revenu minimum garanti doit être autant l’élément d’un projet qu’une réponse à une urgence. Ainsi il doit maintenir les liens du bénéficiaire avec la société car nous ne voulons pas d’une allocation de survie réservée aux inemployables.

Pour schématiser, je résumerais en 3 points le contour de ce que pourrait être un projet progressiste:

– s il vise à assurer aux chômeurs une vie digne, il maintient des liens avec les salariés et ne se limite à cette tâche.

– il comprend des garanties collectives

–  mais il s’agit d’un droit individuel qui peut prendre des formes variées: L’idée d’allocation universelle peut correspondre à une telle approche.

Le plus sûr moyen d’éviter le retour, en boomerang, du contrôle social est d’établir la revendication de revenu minimum à partir des luttes actuelles: minimums sociaux, réduction du temps de travail. Nous touchons là un sujet qui fâche. En effet certains bâtissent le revenu minimum ou l’allocation universelle sur les cendres  de la réduction du temps de travail.

C’est le cas de Philippe Van Parijs, philosophe, l’un  des plus sérieux concepteurs d’une allocation universelle, dans un texte de 1990:  » En d’autres termes, une réduction drastique et financièrement neutre du temps de travail est nécessairement nocive pour les emplois les moins qualifiés ».

Ce qui l’amène à envisager qu’il est cependant possible d’utiliser les activités qui sont suffisamment productives pour en « subventionner » d’autres, plutôt que de tenter (vainement) de partager entre tous les emplois « productifs ». Cela manque d’utopie et présente beaucoup de dangers : l’auteur y voit d’ailleurs une « voie capitaliste vers le communisme« (sic).

Un autre motif de rupture est à déminer. La critique de gauche  du contrôle social des années 70 a beaucoup fustigé la bureaucratie et l’hypocrisie de l’Etat social. Certains considèrent désormais cet Etat social comme mourant, voire comme nocif. Or si cet Etat, sur beaucoup d’aspects, est à transformer, signer son arrêt de mort rendrait impossible une revendication comme le revenu garanti.:Pour l’instant les garanties collectives et le consensus social passent encore par un Etat social.  Ne construisons pas le revenu minimum garanti comme « la réponse« , surgissant des décombres de résistances jugées archaiques.

Car par exemple revendiquer avec les chômeurs des minimas sociaux à hauteur du Smic constituerait un premier pas, une transition.

Outre que la revendication est la meilleure façon de combattre la stigmatisation et le contrôle social, elle aurait trois effets bénéfiques.

–  elle poserait matériellement le chômeur comme un travailleur privé d’emploi.

– elle compléterait la Sécurité Sociale Professionnelle dont les plus audacieuses élaborations vise la suppression des licenciements. Or avant d’etre licencié il faut déjà avoir travaillé: cf insertion des jeunes.

-e lle remettrait en cause ainsi l’acceptation de l »inemployabilité », le « chômage résiduel »…

Ni conception hors sol, ni horreur régressive,  le revenu minimum garanti pour être « progressiste » devra garder la boussole qui a été celle du mouvement ouvrier: s’émanciper de la misère et du travail.

Jean-Louis LE BOURHIS

Ps : Le terme de revenu minimum garanti qui apparait tout le long du texte est employé par commodité: il me semble le plus compréhensible ^par tous.

 

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