Mon député et la loi relative au renseignement. Philippe CHERPENTIER (Ensemble! 34 – Alternatives et Autogestion 34)
Publié le samedi, 27 juin 2015 dans Libertés, Point de vue
Ce texte date du 9 mai 2015. Sous des versions légèrement différentes, il est déjà paru:
– sur le site d’Ensemble Hérault,
– dans le n°2 du journal « NRVV » d’Alternatives et Autogestion. (N’hésitez pas à vous abonner !)
J’habite à Paulhan, commune de l’Hérault dont Vincent Badie1 fut Maire.
En 1940, il était aussi député. Le 10 juin de cette année, il faisait partie des 80 parlementaires2 – seulement 80 !- qui n’ont pas voté les pleins pouvoirs à Philippe Pétain.
Aujourd’hui, le 5 mai 2015, 86 députés – seulement 86 ! – ont voté contre le projet de loi relatif au renseignement.
Mon député, Kléber Mesquida3, a voté pour. Est-il conscient de ce qu’il a fait ? J’espère que non, qu’il a simplement été trompé par le gouvernement, comme Pétain a trompé en 1940 bon nombre de français et de parlementaires.
S’il sait ce qu’il a fait, s’il est conscient qu’entre de mauvaises mains cette loi est d’une extrême dangerosité, alors c’est grave.
Je ne sais que penser. Il avait pourtant été alerté.
Une chose est sûre : il n’est plus possible que je lui fasse confiance pour me représenter. Il ne me représente plus.
Cette loi, si elle est définitivement adoptée (il reste encore le sénat au moment où j’écris ces lignes), est une bombe destructrice contre la démocratie.
Comme l’a rappelé Laurent Chemla4 sur Médiapart lundi 4 mai, veille du vote à l’Assemblée, lors de la soirée « 6 heures contre la surveillance »5, nous sommes (sensés être) dans une démocratie représentative.
Un des principes de la démocratie représentative est la séparation des pouvoirs : le pouvoir législatif, le pouvoir judiciaire, le pouvoir exécutif.
Déjà, dans la cinquième République en France, la séparation entre le pouvoir législatif (parlement) et le pouvoir exécutif (gouvernement) est, comme le dit Laurent Chemla, « assez ténue ». En particulier depuis l’instauration du quinquennat présidentiel, le législatif apparaît de plus en plus comme l’« exécutant » des directives du gouvernement. C’est particulièrement flagrant si l’on regarde certains actes du premier ministre Valls6, que l’on peut ainsi considérer comme un premier ministre à la limite (?) de l’autoritarisme.
Or, la loi sur le renseignement adoptée en première lecture mardi 5 mai 2015 par l’Assemblée Nationale fait un pas de plus dans la destruction de cette séparation des pouvoirs : elle permet au Premier Ministre de court-circuiter le pouvoir judiciaire (le juge).
C’est en effet le Premier Ministre qui entérine, sans avoir besoin de l’accord judiciaire, la mise en œuvre possible d’« une technique de renseignement »7.
Nous avons donc un Premier ministre (nommé, et non élu par le peuple) qui peut d’une part contraindre le vote des parlementaires (législatif), et d’autre part court-circuiter le pouvoir judiciaire.
Potentiellement, et même légalement, nous ne sommes plus dans ce qui se définit communément comme une démocratie.
En 1940, les députés et sénateurs ont donc voté les pleins pouvoirs à Pétain. Sauf quelques exceptions sous l’impulsion de Vincent Badie, entre autres. Les « premiers résistants » d’après le général De Gaulle.
En 2015, les députés ont voté les pleins pouvoirs au Premier Ministre. Sauf quelques exceptions.
Savez-vous, Monsieur Mesquida, et vous tous, ses collègues députés qui ont voté « pour » la loi relative au renseignement, qui sera Premier Ministre demain ?
Philippe Cherpentier, 9 mai 2015
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