De quoi le zadisme est-il le nom ? Tribune libre d’Alain VERONESE
Publié le mardi, 27 janvier 2015 dans Point de vue
A Sivens, Notre-Dame-des-Landes, Roybon… les zadistes construisent des cabanes baroques contre les grands projets loufoques. Contre la globalisation marchande, les z’anars, z’indignés, nouveaux babas cool, écolos radicaux, s’enracinent dans la glaise du terroir, jouent la carte du vernaculaire contre la mondialisation totalitaire.
De quoi le zadisme est-il le nom? De la résistance encore balbutiante à l’artificialisation du monde.
Roybon, c’est pas bon. Un paradis tropical en Isère, à quoi ça sert ? A qui?
Aux 5628 touristes dé-paysés, dé-localisés, «tropicalisés», qui vont s’ébattre et patauger sous bulle. Dans «l’Aquamundo» climatisé à 29°. L’édification de ce paradis artificiel «nécessite» la destruction de 200 ha de forêt pour une reproduction améliorée d’une nature réellement détruite.
Climatisation – re-production – re-présentation. Le monde réel est devenu réellement asphyxiant, il est vrai.
Nous attendons un situationnisme réincarné pour décrypter l’envers du décor.
Ils nous construisent des Arches climatisées pour nous faire oublier le déluge du dérèglement climatique.
Création d’emplois. Le p’tit personnel camouflera l’anxiété de sa vie précaire par distribution sans compter, atrocement mécanisés d’affables sourires et convivialités mal rétribuées.
Ah, que c’est bien beau la vie sous bulle! C’est bien chaud, les bouillonnants bassins! Et avec un je-ne-sais- quoi, qui ne compte pas pour rien d’érotico-chose. Le bobo babille et se déshabille, servi par des prolos serviles. Toute l’assemblée frétille
Zadistes, casseurs et Cassandre
Les pieds dans la boue, à Roybon, comme à Notre-Dame-des-Landes… chauffés à peine dans des masures squattées, les zadistes réalistes, décroissants conséquents pour certains, posent, bien en deçà du tracé local de la ZAD, les limites du mode de production qui va nous faire «crever la gueule ouverte!». (Pierre Fournier s’agite en sa tombe…). Cassandre inaudibles (forcément…) contre le fétichisme du gros Pib, casseurs de pub, les zadistes nous ramènent les pieds sur terre.
L’extension des domaines de la marchandisation est une tendance lourde. Écrasante! L’accélération de la circulation du Capital en est la cause efficiente. A quoi peut bien servir l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes? A qui, si ce n’est à la «jet set», petits et grands officiants de l’hyper bourgeoisie qui prospère hors sol? Circulez, il n’y a rien à voir! Pour consolation à NDDL, on a prévu –rentabilisation mentale– la reconstruction d’une fermette modèle, avec des figurants péquenots qui feront dans le bio, avec des bestiaux vachement authentiques..
Délocalisation. Mentale. Un petit tour à Sivens. Là-bas, c’est l’eau dont la décroissance doit être industrieusement compensée. La p’tite rivière locale, le Tescou, a le débit bancal. Cette irrégularité du flux, conséquence du changement climatique? On ne peut l’exclure. Et alors? Qu’importe: on régule et rentabilise le manque en construisant un barrage pour optimiser le débit de la raréfiée ressource. Ce qui est rare est cher. Les capitalistes vont nous vendre le médicament pour soigner la maladie dont ils sont la cause. Malin. Profitable. Comme l’agriculture intensive défendue par les exploitants agricoles de la FNSEA.
Les zadistes hexagonaux ne sont-ils une figure locale du zapatisme au Chiapas? L’appel intergalactique de Marcos (1996) était motivé, construit, argumenté, par et pour la défense des cultures locales. L’autonomie économique, la promotion des différences, la relocalisation des pouvoirs comme des productions étaient conçues, construites, comme résistances-constructions contre l’aménagement-déménagement de l’homogénéisation de la mondialisation. Zadistes et zapatistes, même combat ?
La diversité des mondes possibles reste à construire.
Alain VERONESE
publié dans Rouge et Vert n° 386
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