Liberté d’impression
Paru dans le numéro 82 de Confluences.
Décidément, jusqu’où le sarkozysme ira trop loin (et sans aucun espoir de s’auto-réformer…) ? Dernier avatar des chiens de garde du Prince, après le pitbull Lefèbvre, le labrador Fillon, voici le roquet Eric Raoult, qui entretient avec la littérature à peu près les mêmes rapports que les caméras de surveillance avec le cinéma d’auteur. On sait que le drôle ne fait pas dans la dentelle, mais de là à invoquer le devoir de réserve pour les auteurs, fallait oser. Il l’a fait. Comme si toute écriture ne commençait pas justement par prendre ses distances avec le réel et si tout écrivain , homme ou femme, n’était pas avant tout un esprit libre ?
Raoult aux manettes, c’est Homère supprimé (pensez donc, la description des ravages de la guerre), Shakespeare censuré (hou là là, un roi fou !), Molière au cachot (motif : s’est gaussé du monarque), La Bruyère à la trappe (a dit du mal des grands), Sade embastillé, Hugo exilé (ah bon, c’est déjà fait ?), Faulkner, Kafka, Jarry, Koestler, Orwell, toutes les grandes gueules, tous vous-dis je… Ah ça mais, il ferait beau voir qu’il y ait une tête qui dépasse
Raoult aux manettes, c’est la route vers l’académisme pompier, le couvre-feu aux éditeurs, le Goncourt au garde à vous, la reptation comme l’unique moyen de propulsion, la Kulture remplacée par la propagande.
Curieusement, les pathétiques émois d’un Raoult sont à plusieurs vitesses : moi, j’ai bondi quand j’ai entendu un de ses collègues, ex-littérateur devenu ministre de la Culture écrire: « l’argent et le sexe, je suis au coeur de mon système… »Passons sur les mobiles hormonaux qui conduisent cet homme, mais Ministre de la République, boufre !
Monsieur Eric Raoult, pour l’ensemble de votre oeuvre vous êtes élevé au rang de Sinistre de la Culture.
Merci, madame Marie NDiaye1 pour votre salutaire indépendance d’esprit.
Gérard Bastide
1 Prix Goncourt 2009 avec Trois femmes puissantes, Gallimard
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