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POLEMIQUE-s : DE BIEN MAUVAIS FILS

Publié le dimanche, 11 décembre 2011 dans POLEMIQUE-s

                                                                    Nous publions ici un « point de vue » que Jack NOUDILA, lecteur assidu de Confluences 81,  écrivain et conteur vivant dans le Sud Tarnais (http://noudila.canalblog.com/  et aussi http://www.editionslagirandole.fr/ ), destinait à publication dans notre journal.

       Publication difficile par manque de place dans le prochain n° à paraitre début janvier. . .

Aussi, publions-nous ce texte dans une nouvelle rubrique de ce blog : « Polémique-s ».

 

DE BIEN MAUVAIS FILS

 

La république est une bonne mère, et les politiciens qui l’ont en charge et, de ce fait, la reconnaissent, sont en quelque sorte ses enfants. La devise de la République étant liberté, égalité, fraternité, ce sont ces trois mots qui devraient conduire la politique des élus. Belle utopie qui, quoiqu’on en pense, a bercé les hommes, des révolutionnaires de 1793 (mais qui s’en souvient ?) aux jeunes élèves des classes de communales qui écoutaient l’instituteur leur enseigner gravement qu’ils étaient des citoyens et que cette devise devait pour toujours être gravée dans leur tête.

Pourtant, il y a un domaine d’actualité récente dans lequel, une belle unanimité des politiques s’est offerte au regard sidéré des quelques personnes qui se rappellent de temps en temps qu’ils ont un organe appelé néocortex, siège de la synthèse et de l’imagination, que l’on nomme vulgairement cerveau intelligent (sic !). Cette concorde d’actualité, dis-je, est presque passée inaperçue tellement l’homme de ce siècle raisonne en termes de clichés tout faits, de raisonnements appris et de morale religieuse sous-jacente ; je veux parler de la décision abolitionniste de la prostitution.

La (ou le) prostitué(e) est considéré comme, non pas un être humain, mais une merde infâme, sauf par le client, cela va de soi. Les clichés qui circulent sont toujours les mêmes, ce sont des filles forcées à faire cette activité (on ne parle pas de métier) par un impitoyable souteneur, type au chapeau à la AL Capone, ou à la casquette de prolo, le mégot au bec, venant relever les compteurs tous les soirs au café de la gare, n’hésitant pas à confisquer le passeport, à coller une beigne, voire un pruneau à la pauvre fille. En bref toutes les prostituées sont victimes de l’horrible maquereau, ou pire, de la mère maquerelle, espèce de vieille peau fortement fardée. Voilà pour l’imagerie d’Epinal. C’est un métier dégradant. Pourquoi ? Heu !.. Parce qu’on te le dit ! Maintenant, arrête de poser des questions stupides ou je t’en colle une !

Mais quand le prostitué est un mec ? Où est le maquereau ? Qui lui a volé son passeport ? Qui lui colle une beigne ?

Tout cela, ce sont des images d’Epinal qui sont véhiculées dans la population depuis la fermeture des boxons, coupables d’avoir trop bien respecté les lois, c’est-à-dire d’avoir trop bien renseigné le gouvernement de Vichy, puis l’occupant, auquel obéissait une bonne partie de la police et de la gendarmerie de l’époque. En bref, ce sont des images aussi peu réelles que l’attention que nous portent nos grands élus. Il y a, bien sûr, parfois des cas de filles forcées, de passeports confisqués, mais ils sont principalement la conséquence de la prohibition. Les produits toxiques avec lesquels sont coupées certaines drogues ont la même origine, Les victimes (mot à la mode) peuvent dire merci à nos élus, merci à aux braves gens qui utilisent le prêt-à-penser sans voir plus loin que le bout de leur nez.

Et puis, le sexe, c’est sale, au moins depuis que l’ont dit certains pères influents de l’Eglise. Il suffit de voir avec quelle difficulté la pilule, l’union libre, le divorce ont eu à se faire adopter légalement et par les mentalités. Certaines pratiques sont toujours semi-clandestines et on préfère encore le mariage au Pacs ou à l’union libre. La libération sexuelle a totalement échoué.

Dans ma jeunesse, nous vivions en petite communauté où beaucoup de gens passaient. Un jour, une prostituée s’est jointe quelques temps à nous. Elle était plus libérée que nous, et à la voir se balader à poil, nous avions tous les yeux qui sortaient de nos orbites (comme dans un dessin de Tex Avery). Cela m’a permis de connaitre cet étrange milieu et une mise au point s’est faite. La première, c’est que l’immense majorité des filles et des mecs qui font ce métier le font par plaisir, sans y être forcés, si ce n’est à gagner sa croûte comme tout le monde. Les escorts boys et girls, les tapineuses, les mignons et autres consorts ne sont pas forcément des gens plus abrutis que la moyenne et le quotient intellectuel moyen de ces gens n’est certainement pas inférieur à celui du reste de la population. En second, c’est un métier comme un autre et je ne vois pas en quoi vendre son cul est plus sale que de vendre sa force de travail. Il est vrai que le travailleur musclé qui décharge les camions, cela fait plus kitch que la fille en bas résilles. Surtout s’y l’on cache les dos brisés, les hernies discales et les retraites de merde qu’obtiendra le brave travailleur pour ce genre de boulot. Si la nature nous a donné un cerveau, c’est pour s’en servir de diverses façons. J’en conclus que si elle nous a donné une bite, une fente, des nichons et un cul, cela doit servir à autre chose qu’uriner, allaiter, pisser ou chier. Mon langage vous choque ? C’est vous qui me choquez, que vous soyez de droite ou de gauche, quand sous des prétextes de morale apprise, d’idéal arriéré, de pensées prédigérées, vous rejetez à des travailleurs et des travailleuses le droit d’exercer leur métier en toute légalité, avec une sécurité sociale, une prophylaxie, et un service rendu à ceux qui n’ont que la solitude pour compagne, ou à ceux que leur nature physiologique oblige à de grands besoins. En tuant la clandestinité, on lutte contre le sida, on lutte contre les exploitations d’immigrées (souvenez-vous : le passeport confisqué), on ajoute de la joie à ceux qui n’en ont pas, on donne à une catégorie de travailleurs et de travailleuses une retraite (en trouvant de nouvelles sources de cotisations), on permet une vie sexuelle à ceux qui n’en ont pas. Marie-Madeleine n’est pas une salope, c’est une sainte.

Non Jef, t’es pas tout seul ! Il me reste bien trois sous, mais la Madame Andrée a eu une descente de police, alors soit gentil, arrête ton cinéma et va te foutre à l’eau !

Ceux qui font unanimité pour dire, dans leurs beaux habits dorés, qu’ils vont œuvrer pour l’abolition, ne sont pas seulement stupides, ils sont criminels.

La république est une bonne mère, mais nos élus sont de bien mauvais fils.

 

Jack Noudila

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  1. noudila dit :

    Deux petites précisions me semblent indispensables :
    J’ai écrit :
    « La (ou le) prostitué(e) est considéré comme, non pas un être humain, mais une merde infâme, sauf par le client, cela va de soi. »
    Il est bien entendu qu’il y a un bémol à cette affirmation. Tout commerce doit faire face aux :
    – Mauvais payeurs
    – Braqueurs
    – Chieurs (sous-entendus ceux qui réclament plus que ce qui est faisable).
    C’est le cas dès qu’il y a de l’argent en jeu.
    Si ces cas ne sont pas légions, ils existent cependant. La prohibition empêche les plaintes.
    J’ai aussi écrit :
    « La première, c’est que l’immense majorité des filles et des mecs qui font ce métier le font par plaisir, sans y être forcés… »
    Je n’ai pas de chiffre et me contente de répéter ce que m’ont dit trois filles vers la fin des années 70 quand nous sommes partis voir notre ex-coloc à Pigalle. Nous étions assis dans un café et avons eu une discussion à ce sujet. Cale concerne l’ensemble de la prostitution et non pas exclusivement les arpenteuses (le trottoir). Vers 1970, il y eut une rencontre entre les prostituées Lyonnaises menées par Ula et Barbara et des étudiants à l’Université de Lyon. Il en ressort que les arpenteuses font souvent cette activité uniquement pour survivre face à des aides trop minimales (élever un enfant seule, loyer trop élevé, etc.). Mais la prostitution comporte d’autres aspects que le trottoir, et la donne change (gigolos, escort…).
    De nos jours, dépression économique oblige, le nombre de personnes choisissant cette activité pour cause de misère et non pas par choix a certainement explosé. Mais là, on connait la cause, donc la solution n’est pas difficile à trouver. Certainement pas par la prohibition : ce n’est pas en empêchant quelqu’un de manger qu’on résout le problème de la faim.
    Voilà pour les petites précisions. A vos commentaires.

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