Notre camarade Gérard Fretellière (Les Alternatifs 72) a publié un article faisant le point concernant la réforme électorale. Nous le reproduisons intégralement ci-dessous.
Son blog : http://gerard.fretelliere.over-blog.com/
Lors de sa séances du 17 avril, l’Assemblée Nationale a adopté définitivement la nouvelle loi électorale qui sera applicable pour les élections municipales de 2014 et les élections départementales et régionales de 2015.
Ce ne fut pas glorieux : le Sénat a retoqué le projet à deux reprises ; seuls les socialistes ont voté pour lors du scrutin final (CONTRE : UMP, UDI, PCF et quelques radicaux ; ABSTENTION : écologistes et d’autres radicaux). Il est vrai que ce projet comporte des dispositions telles qu’il ne pouvait que créer une multiplication d’oppositions.
Je ne reviendrai pas dans le détail des analyses faites dans deux articles précédents (09/01/2013 et 08/02/2013) situés dans le rubrique « Démocratie et Autogestion ». Cet article est juste une mise à jour agrémentée de quelques commentaires supplémentaires.
Élections au Conseil Départemental (anciennement Conseil Général du Département)
Les binômes.
Chaque canton sera donc représenté par deux conseillers départementaux (un homme et une femme) élus solidairement. Ils figureront donc ensemble sur le même bulletin de vote, par ordre alphabétique. Chaque candidat du binôme aura un suppléant du même sexe qui le remplacera éventuellement. Si le suppléant démissionne ou décède, le siège restera vacant. Rien n’interdit les binômes familiaux !
L’élection se fera au scrutin majoritaire à deux tours. MAIS, il y a une disposition importante : pour se présenter au second tour, il faudra avoir obtenu au moins 12,5% des voix des INSCRITS au premier tour. Donc, si le taux de participation est de 50%, il faudra avoir au moins 25% des voix exprimées (ou être l’un des deux premiers). Ce qui limite sérieusement la possibilité de triangulaires. Cette disposition prévue pour éliminer le Front National et pour obliger les candidats du Front de Gauche à se rallier au PS, risque de se retourner contre ses auteurs comme on l’a vu récemment dans une partielle de l’Oise (candidate PS éliminée à l’issue du premier tour)
Comme la loi interdit le « mandat impératif », chaque membre du binôme, une fois élu, fera ce qu’il voudra. Il pourra adhérer au groupe politique de son choix et voter comme bon lui semblera (éventuellement, voter le contraire de son binôme ce qui créerait un joyeux désordre). Le PS pourra être tenté de constituer des binômes associant des « satellites » (Verts, Radicaux de gauche…). Les notables constitueront des binômes avec des clampins ne leur faisant pas d’ombre ou avec un autre notable implanté dans une autre zone du nouveau canton.
Le président du conseil départemental sera élu au scrutin majoritaire. Puis on élira les membres de la commission permanente au scrutin de liste, paritaire et à la proportionnelle à la plus forte moyenne. Par contre, les vice-présidents seront élus au scrutin de liste paritaire majoritaire (majorité absolue obligatoire aux deux premiers tours)
Quoiqu’il en soit, la moitié des conseillers généraux sortants perdra son poste. La bataille des investitures fera rage pour garder ou acquérir un canton.
Le nombre de canton sera divisé par deux afin de conserver approximativement le même nombre d’élus départementaux. Sauf que désormais, le nombre d’élus sera pair. Tout département ayant au moins 500 000 habitants aura au moins 17 cantons et tout département ayant entre 150 000 et 500 000 habitants en aura au moins 13. On ne dit rien concernant les départements ayant moins de 150 000 habitants.
Ceci va entraîner un bouleversement de la carte des cantons
En effet, le nombre d’habitants de chaque canton devra correspondre à la moyenne départementale.
Par exemple, en Sarthe, si on conserve 40 conseillers donc si on a 20 cantons, la taille moyenne sera de 540 000/20 = 27 000. C’est la population de la Communauté de Communes de Sablé : donc, le canton nouveau devrait beaucoup ressembler à l’ancien. Dans l’agglomération du Mans, on aurait 7 cantons (donc 14 conseillers) au lieu de 10. Par contre, le nombre de cantons ruraux sera considérablement réduit et les cantons du nord ouest du département seront de grande taille.
Dans certains départements, les nouveaux cantons couvriront des superficies supérieures à bien des circonscriptions électorales d’autres départements. La loi permet des dérogations : la différence de population entre le canton le plus peuplé et le moins peuplé pourra varier dans un « tunnel » (de plus ou moins 20 ou 30% ??).
Est-ce que la carte des cantons correspondra à la carte des intercommunalités ? Pas sûr même si les intercommunalités doivent désormais dépasser les 5 000 habitants. Ce qui est, par contre, probable, c’est que un canton pourra désormais être divisé en plusieurs circonscriptions législatives. Il est certain que les électeurs vont s’y retrouver !!!
Le redécoupage promet de sérieuses empoignades dans l’année à venir. Il doit être achevé avant l’automne 2014 pour des élections repoussées d’un an (donc en mars 2015)
Un autre choix était possible : la proportionnelle.
C’était la position du Front de Gauche et des écologistes. Elle était plus simple et plus démocratique. Le PS s’y est opposé. Or, le mode de scrutin adopté va renforcer le bipartisme.
Élections au conseil municipal et aux intercommunalités (exemple : communautés de communes)
Principal changement : élection des conseils municipaux à la proportionnelle pondérée dès 1 000 habitants
Jusque là, pour qu’il y ait obligation de présenter une liste complète, le seuil était de 2 500 habitants MAIS, il fallait atteindre le seuil de 3 500 pour qu’il y ait la proportionnelle pondérée.
Avec ce changement, la majorité des Français votera à la proportionnelle pondérée mais la majorité des communes gardera l’ancien système. Ce qui montre qu’il y a un nombre considérable de petites et très petites communes.
Des journalistes ont écrit que l’abaissement du seuil allait favoriser le Front National qui serait assuré d’être représenté dans plus de conseils municipaux. Remarque fort bizarre car elle suppose que le FN ait les moyens de présenter des listes dans les gros bourgs. Ce qui est loin d’être démontré.
Les partisans de la loi se félicitent du fait que l’opposition sera représentée dans un plus grand nombre de communes. Encore faudra-t-il qu’il y ait, au moins, deux listes. Et quand bien même il y aurait plusieurs listes, il faudrait que celles ci soient vraiment différentes dans leur programme. Ce qui est loin d’être ce que l’on constate.
Seule la parité triomphera à coup sûr.
Contrairement à ce qui avait prévu pendant un certain temps, le nombre des élus ne change pas sauf pour les communes de moins de 100 habitants qui passent de 9 à 7 conseillers. par contre, pas de conseillers supplémentaires ou de conseils d’arrondissement à Toulouse, 4ème commune de France. Enfin, les arrondissements les moins peuplés de Paris perdent des élus et les plus peuplés en gagnent.
A noter que, dans les communes de moins de 1 000 habitants, on ne pourra plus être candidat au second tour sans l’avoir été au premier sauf si le nombre de candidats est inférieur au nombre de conseillers à élire.
Autre changement : modification du mode d’élection dans les intercommunalités.
–Pour les communes de plus de 1 000 habitants:
La liste des candidats devra indiquer clairement quels sont ceux qui seront candidats pour être élus dans les intercommunalités. C’est le système dit du « fléchage ». Pour plus de « lisibilité », la liste fléchée sera annexée au bulletin de vote municipal.
Concrètement : tous les candidats du premier quart de la liste seront candidats à une place à la Communauté de Communes ou autre intercommunalité (donc, à Sablé, les 8 premiers car il y a 33 postes à pourvoir au Conseil Municipal) ; tous les autres candidats à l’intercommunalité seront pris dans les trois premiers cinquièmes. De fait, la quasi totalité des 60 % les mieux placés sur la liste municipale sera candidate pour l’intercommunalité.
Remarque importante : la liste « fléchée » devra être paritaire. Et si un élu à l’intercommunalité décède ou démissionne, il sera remplacé par le suivant de liste de même sexe.
– Dans les communes de moins de 1 000 habitants.
Pas le choix : les élus à l’intercommunalité seront désignés dans l’ordre du tableau. Formule qui signifie que l’on commence par le maire puis que l’on continue par les adjoints, en commençant par le premier.
Conclusions :
– L’opposition sera représentée – pour chaque commune de plus de 1 000 habitants – dans les intercommunalités
– Les conseillers communautaires ne seront plus élus par les conseils municipaux ou de façon très indirecte (le vote du Bureau Municipal dans les communes de moins de 1 000 habitants vaudra élection au conseil communautaire)
– Les parlementaires du Front de Gauche se sont opposés à la loi pour cette seconde raison. Cela peut paraître rétrograde mais, à y regarder de près, on comprend pourquoi. En effet, l’intercommunalité est censée être de forme fédérale : les communes délèguent à l’intercommunalité des compétences diverses. Or, la désignation des membres des conseils communautaires échappe aux communes. Par ailleurs, le redécoupage des intercommunalités sous Sarkozy a été un modèle d’entorses à la démocratie. Pour autant, il n’y aura pas de débat sur les orientations des intercommunalités qui, pourtant, ont un pouvoir croissant. la seule solution démocratique aurait été de faire des intercommunalités des entités spécifiques comme le département ou la région. Donc : élection directe des élus aux conseils communautaires. Quitte à supprimer les communes membres. Là, on reste au milieu du gué !
Le nombre d’élus des différentes communes dans l’intercommunalité devra être décidé avant le 31 août 2013.
L’élection du président et des vice-présidents des intercommunalités se fera selon les mêmes modalités que pour le conseil départemental.
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