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Lettre à M. Besson

Publié le lundi, 1 mars 2010 dans Articles, Confluences 81

Paru dans le numéro 83 de Confluences.

DÉBAT SUR L’IDENTITÉ NATIONALE : pourquoi ?

Citoyen du monde, je me qualifie volontiers d’apatride volontaire. Partisan de l’abolition des frontières et partisan de ne plus considérer les êtres humains en fonction de leurs documents administratifs.

Je comprends mes proches, certain-e-s de mes ami-e-s qui refusent de participer à ce débat de peur de le cautionner…

Vous venez pour que nous débattions sur l’identité nationale. Mais qu’est-ce qu’une identité nationale ? C’est un concept, une idée… et ce concept est très fluctuant et évolutif ! Ce concept n’a aucune valeur ! Si ce n’est celle que vous lui donnez.

Mon identité est celle que je me donne, je choisis mon identité car JE SUIS.

Définir son identité propre ne revient-il pas à s’identifier par opposition à l’Autre ?

Je ne veux pas m’opposer l’Autre, mais vivre avec lui, en bonne intelligence, en établissant des relations humaines.

Y a-t-il une identité nationale « naturelle » ? Il est évident que non, les frontières séparant les prétendues nationalités n’ont rien de naturelles !

L’histoire, la géopolitique, la philosophie, la psychologie, la sociologie, la culture… autant d’approches qui contredisent la valeur de votre concept d’identité nationale…

Au cours de l’histoire « l’identité nationale » n’a pas été la même ! Les frontières variant en fonction des guerres, victoires, défaites, accords et tractations…

Votre débat veut-il se situer entre un « droit du sol » ou un « droit de sang » ? Quel que soit celui que vous choisissez, je rejette les choix que vous proposez.

Si avoir « l’identité française » c’est être comme vous M. Besson, alors permettez-moi de vous avouer que je ne suis pas Français !

Si « être Français » c’est avoir une calculatrice à la place du cœur, et établir un calcul démagogique pour savoir le nombre de personnes qui ont le droit de s’installer en France et le nombre de celles et ceux qu’il va falloir expulser après les avoir parqués dans des camps dans des conditions indignes d’un être humain ;

si être français c’est être partisan d’une société de concurrence entre êtres humains, où la solidarité et l’entraide sont des valeurs volontairement oubliées en faveur de l’égoïsme le plus dégradant et le plus dangereux pour l’avenir ;

si être français c’est approuver la politique de votre gouvernement : politique de déstabilisation sociale, de dégradation des conditions de vie du plus grand nombre d’entre nous, politique d’exclusion et politique de soutien au capitalisme financier et économique que je combats…

Alors permettez moi d’affirmer sans honte que je ne me sens pas français mais seulement un être humain, un citoyen du monde, un apatride… et que votre débat sur l’identité nationale a une réelle odeur malsaine dont je devine les objectifs de suspicion, de repli identitaire, de haine de l’Autre…

Vous cherchez à détourner une grande majorité de la population par ce débat qui a l’avantage de passionner parce qu’il donne l’impression de traiter de la définition de chaque être. Vous profitez d’une sorte de perte de repaire généralisée due à une situation de crise multifactorielle.

Or nous avons toutes et tous le besoin (et le droit) de nous définir, d’avoir des repaires. Sinon, nous ne pouvons pas nous affirmer comme être humain. Comme individu (je vous épargne les références au concept d’anomie définit par le sociologue Durkheim, par exemple). C’est de l’ordre de la psychanalyse et non pas d’un débat populiste à l’avantage de votre politique discriminatoire d’expulsions.

Monsieur Besson, en organisant un tel débat, vous n’êtes pas dans votre domaine de compétences, et le jeu auquel vous jouez va nous brûler les doigts en favorisant les exclusions, les discriminations et la haine de l’Autre.

Ne cherchez-vous pas à nous faire oublier qui sont les vrais responsables de nos problèmes ?

Les responsables des conditions de vie de la plupart d’entre nous ? L’absence d’égalité

  • devant la loi,
  • devant l’accès à un logement décent,
  • devant l’accès aux soins,
  • devant un frigo vide.

Les responsables de l’état inadmissible dans lequel se trouvent la terre, la nature, la biodiversité ?

Les responsables des conditions de vie et de misère subies par les habitant-e-s des régions victimes du colonialisme, du néo-colonialisme et du capitalisme mondialisé?

Il y a un adversaire contre qui lutter : il s’agit de la pauvreté et du système qui permet l’exclusion, la misère, la destruction de notre environnement. C’est contre ce système que nous devons regrouper nos forces… Le problème c’est que ce système, vous ne voulez pas l’affronter, vous en faites partie !

Dois-je rappeler l’article 13 de la déclaration des droits de l’homme qui dit que « toute personne a le droit de circuler librement et choisir sa résidence, a le droit de quitter son pays y compris le sien et de revenir «. Et la France se vante d’être à l’initiative de cette déclaration !

Patrice KAPPEL

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