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Un long tunnel

Publié le vendredi, 1 mai 2009 dans Articles, Confluences 81

Paru dans le numéro 78 de Confluences

Je sors d’un long tunnel : presque trois mois d’hospitalisation ! Je ne vais pas ici vous conter mes misères, chacun ayant les siennes ! Mais j’ai souvent fréquenté cliniques et hôpitaux , et j’ai, cette fois, particulièrement remarqué des changements dans le fonctionnement de ces établissements.

Pendant ce laps de temps, à l’exception des trois premiers jours à l’hôpital Purpan, j’étais hospitalisée en secteur privé, maison de convalescence d’une part, centre de rééducation fonctionnelle d’autre part, tous deux appartenant au groupe bancaire Capio. Mon séjour fut assez long dans l’un et l’autre cas, pour que je puisse faire des remarques fiables.

Ce qui m’a frappée dès les premiers jours, c’est l’état de surchauffe permanent du personnel, l’insuffisance d’effectif est évident et bien sûr ce sont les malades qui en subissent les conséquences. Ainsi, un matin j’attendis en vain que l’on vienne faire ma toilette (au début de mon hospitalisation j’étais entièrement dépendante). Après le déjeuner je demandai à l’aide soignante : « vous me ferez ma toilette cette après-midi ? « — « ah non ! me dit-elle, on ne fait pas de toilette l’après-midi ! « J’en fus abasourdie. Un moment plus tard, l’infirmière arriva et voulut savoir l’histoire de cette toilette pas faite ; j’étais horriblement gênée car comment raconter l’histoire sans médire du personnel ? Je pense m’en être assez bien sortie, néanmoins ce fut, dans le service, l’événement de la journée ! Et, rassurez vous, je fus lavée ! Après le sous effectif, ce qui m’a surprise, c’est la rotation rapide du personnel ; bien sûr il y a un noyau de personnes «CDI», que je vois par rotation, mais en permanence, mais je vois aussi les élèves-infirmier(e)s stagiaires, qui sont utilisés au maximum, à l’heure des toilettes par exemple ! D’emblée ils savent qu’ils commencent un métier où l’on n’a pas le temps de se tourner les pouces : les poses sont brèves ! Mais surtout, je fus effarée par le nombre important d’intérimaires, aides-soignantes que l’on voit un jour ou deux , quelquefois une semaine, et puis c’est fini, place aux suivant(e)s ! Comment peut-il y avoir un esprit d’équipe entre ces personnes, qui, pourtant s’occupent des même malades ? Comment les intérimaires peuvent-ils s’attacher à des malades qu’ils ne voient que 24 ou 48 heures ? Il est vrai que les titulaires tiennent les nouvelles au courant : c’est ainsi, que par la porte ouverte, j’entendis signaler : «…le cas le plus lourd est la fracture du bassin…» La fracture du bassin c’était moi. Il est toujours curieux d’être réduit à son accident ! Autre étonnement, les intérimaires sont heureuses de l’être, « Nous sommes mieux payées, nous prenons nos vacances quand nous voulons, nous nous arrêtons si nous voulons, allons où nous voulons « Elles ont l’impression d’une liberté absolue, sans réaliser qu’elles ne sont pas mieux payées, le «surplus» étant les congés payés qu’on leur verse tous les mois au prorata de leur temps de travail, elles n’ont pas la sécurité de l’emploi mais ne s’en rendent pas compte, persuadées qu’elles sont de pouvoir toujours trouver un intérim à faire. Pendant ces derniers mois je fus hospitalisée deux fois trois ou quatre jours en secteur public : hôpitaux Larrey et Purpan, jamais je n’y ai vu d’intérimaires… jamais je n’y ai ressenti ce stress permanent du personnel ; il est vrai que lorsque l’on est «en observation», on ne cause pas beaucoup de travail au personnel. Néanmoins je persiste à penser que l’ambiance est plus sereine dans le public que dans le privé. Pourvu que ça dure ! par les temps qui courent, rien n’est moins certain ! En effet la loi Bachelot pointe son nez : le projet d’ «HÔPITAL-BUSINESS» est dangereux, ses mesures phares se rejoignent dans une logique de gestion d’entreprise commerciale et de faveurs accordées aux cliniques privées à but lucratif.

Annie Loris

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