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L’élection de Donald Trump, un tsunami climatique. . Par Maxime Combes

Publié le mardi, 15 novembre 2016 dans Non classé

Au lendemain de l’élection de Donald Trump, journalistes et commentateurs s’interrogent sur sa capacité à « annuler » l’Accord de Paris sur le climat. Pour certains, les risques seraient limités et éloignés dans le temps. Ce n’est pas notre avis : Trump peut quitter l’Accord de Paris en un an, et, plus important, son élection pulvérise le story-telling entretenu depuis la COP21.

Si l’on écoute Ségolène Royal, Pascal Canfin ou même l’IDDRI, il ne faudrait pas s’inquiéter plus que cela : à compter de l’entrée en vigueur de l’accord, ce vendredi 4 novembre, trois ans seraient nécessaires pour que le président des Etats-Unis puisse le dénoncer, puis encore un an avant que la dénonciation ne prenne effet.

Ce n’est pas exact : Trump peut sortir les Etats-Unis de l’Accord de Paris en un an : l’alinéa 3 de l’article 28 de l’Accord de Paris stipule en effet que tout pays qui viendrait à se retirer de la Convention-Cadre des Nations-Unies sur le changement climatique (CCNUCC), qui date de 1992, serait « considéré comme s’étant également retiré » de l’accord de Paris. Le président Trump peut légalement, seul, décider du retrait de la CCNUCC dès son arrivée à la Maison-Blanche, et ce retrait sera effectif un an plus tard. Une année suffirait donc à Trump pour déstabiliser l’ensemble de la gouvernance onusienne sur le climat, déclenchant des forces centrifuges potentiellement non maîtrisables.

Personne ne sait ce que Trump fera ou ne fera pas. Mais laisser entendre que nous aurions quatre ans tranquille devant nous n’est pas exact.

D’autre part, si Trump se limite à ne pas appliquer les (bien maigres) engagements pré-2020 et post-2020 pris par Obama, tout en désarmant les régulations et outils existant au niveau national, il contribuera néanmoins à vider de sa substance le principe fondateur des négociations de la COP21 et de l’Accord de Paris qui consistait à 1) embarquer tous les plus grands polleurs dans le même accord 2) empêcher qu’il puisse y avoir des retours en arrière. Puisque l’Accord de Paris n’est doté d’aucun instrument contraignant pouvant empêcher Trump de faire ce qu’il souhaite, il pulveriserait ainsi la promesse de l’Accord de Paris.

Trump veut encourager l’exploitation du charbon !

C’est d’ailleurs le point le plus important : l’élection de Trump fait voler en éclat la prophétie, voulue auto-réalisatrice, selon laquelle « l’esprit de Paris », répété en boucle, allait déplacer des montagnes et convaincre jusqu’aux plus récalcitrants de placer la lutte contre les dérèglements climatiques sur de bons rails, et d’en faire une priorité. Voyant bien le danger, ces mêmes architectes de l’Accord de Paris, proposent déjà de remplacer cette prophétie par une autre : il faudrait désormais compter sur la main invisible du marché, devenue verte, et des arbitrages privés des investisseurs et des entreprises, pour poursuivre la mue de l’économie mondiale vers « un futur bas carbone » et amorcer la « révolution climatique »

Cette idée est aussi saugrenue que dangereuse. La main invisible des marchés n’est pas plus verte qu’elle n’est sociale, égalitaire ou juste. Cette approche dépolitise l’enjeu climatique, faisant oublier que le climat est aussi un terrain de bataille qui opposent des intérêts fortement divergents.

Avant l’élection de Trump, les engagements des Etats conduisaient à un réchauffement climatique largement supérieur à 3°C.

Il n’est pas sérieux de laisser entendre que le l’élection de Trump ne serait pas si grave : un négationniste du climat est entrée à la Maison-Blanche, en mesure de recontruire autour de luit une alliance dure de l’ensemble des forces politiques et économiques qui ne veulent surtout rien changer. Cette élection ne doit donc pas être minorée ou édulcorée au prétexte d’essayer de sauver les belles histoires contées depuis la COP21. Il nous faut au contraire faire preuve de lucidité, et tenter de tracer un chemin qui s’appuie sur toutes celles et ceux qui, sincères dans leur démarche, chaque jour agissent à leur niveau, pour contribuer à une transition vers des sociétés décarbonées, justes, solidaires et démocratiques.

Le parcours est encore plus escarpé aujourd’hui qu’hier. Il va nous falloir désarmer tous ceux qui nient l’urgence de sortir de l’âge des fossiles et qui ont trouvé un allié de poids avec l’élection de Donald Trump à la Maison-Blanche. Le tout avant de pouvoir enclencher une véritable transition énergétique. La phrase de Murray Bookchin, selon lequel nous sommes condamnés « à faire l’impossible pour ne pas devoir faire face à l’impensable » est encore plus pertinente qu’hier. C’est notre tâche. Plus importante que se raconter des histoires, aussi belles ou rassurantes soient-elles.

Maxime Combes, économiste et membre d’Attac France.

Auteur de Sortons de l’âge des fossiles ! Manifeste pour la transition, Seuil, coll. Anthropocène. Octobre 2015

@MaximCombes sur twitter

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